Publié le 12 Février 2013
C’est une usine où le temps semble s’être arrêté en même temps que la production. La grève paralyse largement le site PSA d’Aulnay depuis le 16 janvier. Les grévistes se sont organisés, d’assemblées en manifs. Et les autres? Nous sommes allés à la rencontre de ceux qui étaient hier à leur poste, au sein d’un atelier de montage toujours à l’arrêt. Dans les bureaux du service qualité, séparés du reste de l’atelier par des parois vitrées, on trouve les techniciens, rarement en grève. Trois seulement débrayent de temps en temps, en ciblant « les jours importants ». Avec une production au compte-gouttes, le service qualité, censé repérer les défauts des véhicules, tourne lui aussi au ralenti depuis plusieurs semaines. Certains bavardent, d’autres pianotent sur leurs ordinateurs.
Les têtes se relèvent à la détonation d’un pétard. « Ça fatigue autant que le boulot, c’est de la tension nerveuse », confie Raoul. Le quinquagénaire s’interroge sur l’avenir : « Il me reste six ans jusqu’à la retraite, je veux rester dans le groupe. On construit toute une vie autour du lieu de travail, et puis tout se casse la figure. » Dans un local de repos, ils sont une dizaine d’ouvriers désœuvrés. « C’est difficile, on ne fait rien, on est bloqués », soupire un opérateur. Parfois, expliquent les salariés, la chaîne démarre : « Tant qu’elle tourne, on est en place. Quand on entend arriver les grévistes, on a l’autorisation de quitter nos postes, pour éviter les problèmes. » « On les connaît, il y a juste des discussions animées », tempère un ancien. Deux syndicalistes entrent justement dans le local, fustigeant les « mobilités provisoires » que la direction veut proposer. Arbia, 40 ans, écoute les uns et les autres. Mais elle a déjà pris sa décision : « Je veux quitter l’entreprise et trouver un autre travail. Si je pars à Sochaux ou à Rennes, qui me dit que ça ne fermera pas là-bas aussi? »
Pause-cigarette sur le parking où l’on stockait autrefois les véhicules à livrer. Il est vide. « Ça va être long », soupire un moniteur de l’équipe de l’après-midi. Le bruit circule qu’« on ne produira pas avant 21 heures ». « Moi, dès que la cellule de reclassement sera ouverte, je serai le premier devant la porte », assure un jeune opérateur, en tirant sur sa cigarette. Il vise l’usine de Poissy (Yvelines), censée accueillir 1300 ouvriers d’Aulnay. Son voisin approuve : « Il faudra réussir à être du voyage! Même si je ne retrouve pas le même poste qu’ici, je garderai mon salaire, mon ancienneté. Quand on voit ce qui se passe dehors, tous ces gens sans boulot qui crèvent la gueule ouverte… » En bord de ligne, cinq opérateurs jouent aux dominos pour passer le temps. Taoussi est intérimaire, il a travaillé régulièrement à l’usine depuis 2007. Il s’inquiète. Sa mission s’arrête en principe cette semaine. « Peut-être qu’elle sera prolongée? Pour l’instant, je n’ai aucune nouvelle… ».
Source : Le Parisien