Dans le numéro 67 d'Oxygène paru le 6 janvier 2010, trois pages étaient consacrées au casse-tête du stationnement en ville. Bruno Defait, délégué aux transports, à la circulation et aux déplacements y faisait part en page 5 de la volonté municipale de contenir l'espace dédié à la voiture avec en point de mire une véritable ambition d'envisager sérieusement une société de l'après voiture. D'une manière générale, les questions du stationnement et de la circulation reviennent souvent dans les problématiques soulevées par une majorité de conseils de quartier, du nord au sud, d'Edgar Degas à Nonneville.
Un soir de novembre en réunion publique à Nonneville, ce même Bruno Defait avait donné quelques chiffres d'une tendance qui dans sa voix sonnait comme fataliste, voire irréversible. 38000 véhicules à Aulnay-sous-Bois et ce chiffre en croissance d'1% par an. 5000 voitures supplémentaires entre 1993 et 2009 soit 11 terrains de football. A la fin de l'année dernière, le parc automobile aulnaysien s'est enrichi de la superficie d'un terrain de football supplémentaire, alors que dans le même temps certains axes routiers n'ont pas changé depuis 1930.
Cette croissance est évidemment issue de comportements individuels, mais les pouvoirs publics et notamment localement les mairies ont leur rôle à jouer pour offrir de véritables alternatives à la voiture. Le petit sondage sans prétention organisé par Aulnaylibre ! sur la question montre une tendance lourde puisque 70% de ceux qui ont répondu semble considérer qu'il est difficile de se passer d'une voiture dans notre ville. Or, il arrivera fatalement un moment où la limite du supportable en termes de circulation et de pollution pointera son nez à l'horizon. Il suffit déjà d'observer certains axes routiers aux heures de pointe pour s'en convaincre. Je cite par exemple le rond-point des rues Jacques Duclos, Camille Pelletan et Maximilien Robespierre ou l'horrible carrefour du Soleil-Levant.
A l'heure où l'urbanisation de notre ville est programmée, avec la construction d'au moins 250 logements par an, la circulation est un enjeu crucial et c'est là qu'une densification sur les grands axes de centralité, à proximité de la gare, des transports et des commerces prend tout son sens. Sinon quel impact aura cette densification sur la circulation si elle s'effectue dans des zones excentrées et mal desservies rendant quasiment nécessaire l'utilisation d'une voiture ? Et ceci d'autant plus si, dans le même temps, aucune alternative crédible et incitative ne s'offre aux habitants...
Ci-dessous je relaie un article des Echos, qui semble démontrer que la part de la voiture est en recul dans toutes les grandes villes françaises, soit sous l'effet de véritables politiques municipales volontaristes ou pour des raisons économiques et démographiques... Nous suivrons évidemment la tendance aulnaysienne avec un intérêt particulier...
Stéphane Fleury
Le centre d'études sur les réseaux, les transports et l'urbanisme (Certu) effectue régulièrement depuis plus de trente ans, à la demande, des "Enquêtes ménages déplacements" dans les plus grandes agglomérations. Ces solides enquêtes de terrain permettent de suivre à méthode comparable, l'évolution dans le temps et entre villes de tous les modes de transports, y compris les deux roues et la marche à pied. Trois études récentes publiées à Bordeaux, puis à Strasbourg et Toulon confirment qu'une évolution, qui avait surpris en 2006 à Lille, et à Lyon, s'est généralisée dans toutes les villes importantes : partout la voiture cède du terrain par rapport au transport public et aux modes doux.
Cette tendance lourde est corroborée par d'autres approches nationales (Comptes de la nation, ventes de carburants, enquêtes Insee-Inrets) et par les observations des autres pays ouest-européens. Pour Jean-Marie Guidez, expert en mobilités au Certu, "il est maintenant certain qu'une rupture s'est produite aux environs de 2004-2005. Jusqu'à cette époque, après les décennies d'envolée de l'usage de la voiture, les experts pensaient que 1 point de part de marché gagné serait une performance. Or on constate des gains de 7 points à Strasbourg et de 4 à 5 points dans plusieurs villes".
Les causes du reflux sont multiples : prix du carburant, politiques de transport et d'urbanisme sur plusieurs mandats électifs (lignes de métros, trams, train en périurbain, transports en sites propres, "effet réseau", limites à la circulation et au stationnement, plans de déplacements urbains (PDU)...), floraison de modes doux alternatifs (vélo, covoiturage, autopartage), glissement de la "voiture objet et patrimoine" vers la "voiture service", hausse de la conscience environnementale, proportion plus importante de retraités moins mobiles que les actifs...
Pour Jean-Marie Guidez, "les mêmes causes produisant les mêmes effets, la tendance devrait se confirmer : l'énergie pas chère est finie, les politiques de rééquilibrage urbain se renforcent, le vieillissement de la population s'accentue...". De nouvelles causes agissent dans le même sens, comme le resserrement des budgets des ménages, le développement de la journée continue qui supprime les déplacements du déjeuner, ou l'émergence d'un "e-comportement" qui rend plus sédentaire (on peut tout faire à la maison : courses, rencontres familiales...).
Toutes les municipalités aux politiques volontaristes n'ont pas forcément mené des enquêtes standardisées de ce type qui permettent la comparaison entre villes et dans le temps. Mais la synthèse met en valeur quelques "villes vitrines" aux politiques persévérantes qui ont le plus comprimé la part de la voiture comme Strasbourg ou Lyon, laquelle récolte les résultats de trente-cinq ans d'efforts, pionnière en province du métro, du tram et du vélo. L'effort est aussi payant, bien que plus difficile, dans l'agglomération moins dense de Lille Roubaix Tourcoing. Mais l'effort politique n'étant pas la seule cause du transfert modal, la tendance profite aussi à des villes moins volontaristes. Les limites à cette évolution sont la capacité des transports alternatifs à absorber un report trop important et les petites villes où la densité de l'habitat et les solutions alternatives à la voiture sont moindres.
Source : Olivier Noyer, les échos 1er Février 2010.