C’est l’histoire d’un banal contrôle routier qui dégénère, à proximité de la cité des 3000 à Aulnay-sous-Bois. De coups portés et d’insultes proférées par une dizaine de personnes, venus prêter main-forte à deux jeunes hommes contrôlés par deux policiers. Et d’une vidéo qui avait fait le tour des réseaux sociaux. Bilan : deux motards de la CSI 93 (compagnie de sécurisation et d’intervention) sérieusement blessés. Deux des agresseurs comparaissaient ce mercredi devant le tribunal de Bobigny.
Le 3 janvier 2021. Un jeune se fait intercepter sur un puissant scooter. Il n’a pas le permis adéquat. Il s’arrête bien à la demande de deux policiers à moto et commence à parlementer. Il risque le retrait de six points sur son permis. « Vous pouvez me faire une fleur ? », risque Ilyes, le contrevenant. « Je ne suis pas fleuriste », lui rétorque le gardien de la paix. Les deux motards lui indiquent que s’il présente sa pièce d’identité, il fera l’économie du commissariat. Mais tout à coup, tout part en vrille. Des coups pleuvent, accompagnés d’insultes et de menaces de mort.
« C’était comme si on me démembrait », raconte un policier
« Je vais te démonter fils de chien. Je vais te mettre une patate sur ta gueule. Viens sur Degas (NDLR : une rue du quartier des 3000) et on va te tuer. » Les copains de la cité sont rameutés. Une dizaine de personnes arrive sur le point de contrôle pour aider leurs camarades aux prises avec la police.
Léo (le prénom a été changé), un gardien de la paix de 25 ans, plaque Ilyes au sol et tente de le menotter mais le jeune homme se rebiffe et le projette contre le bitume. Le policier ressent alors une douleur d’une violence inouïe à l’épaule : « C’était comme si on me démembrait. J’avais la sensation que mon épaule était descendue au niveau de mon coude », explique-t-il. Puis une barrière de chantier lui atterrit sur la tête. Heureusement il est protégé par son casque. Son collègue Sébastien (le prénom a été changé), 45 ans, est aussi en fâcheuse posture. Il encaisse une pluie de coups de pied et s’en sortira avec des côtes cassées. Malgré la souffrance insupportable, Léo se traîne pour venir en aide à son coéquipier qui parvient à donner un coup de gazeuse pour disperser la dizaine d’assaillants.
Ce mercredi, ils ne sont que deux prévenus à la barre du tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis) à répondre de la rébellion. Les cheveux ramassés en une longue queue-de-cheval, Ilyes nie catégoriquement les violences. Au contraire, il objecte que « le policier était en train de l’étouffer en lui enfonçant son genou sur la nuque ». Il ne manque pas de rappeler le récent scandale qui avait terni l’image de la CSI 93. « Avec tout ce qui se passe à la CSI, ces violences policières… J’ai paniqué. J’ai rien contre la police », ajoute-t-il. Cette unité de 150 hommes a fait l’objet de quatre mises en examen pour du racket de dealeurs, des violences et des propos racistes.
Mais dans ce dossier, les policiers sont victimes. Omar, le second prévenu, qui avait pris part à la meute, réfute lui aussi toute violence. « Les policiers mentent. Ils cherchaient une cible, c’était moi », affirme ce trentenaire enrobé.
Deux ans de prison requis pour chacun
Maître David-Olivier Kaminski, son avocat, enfonce le clou : « C’est un crime de lèse-majesté de remettre en cause la parole les policiers. Les perceptions peuvent vous induire en erreur. » D’autant plus que les images des vidéos tournées par des participants à la rixe et celles de la ville d’Aulnay ne permettent pas de reconnaître les visages des agresseurs.
Mais les séquelles de l’affrontement sont bien réelles. Elles sont physiques mais aussi psychologiques. Sébastien, discret sur le retentissement de l’agression, a pu reprendre le travail mais pas comme motard. Il avoue : « Les menaces de mort m’ont plus marqué que les coups. » Son jeune collègue, qui totalise 90 jours d’ITT, souffre d’un syndrome post-traumatique et il est toujours en arrêt de travail. Il a subi une double greffe osseuse et des tendons. Et devra tirer un trait sur son rêve, celui d’intégrer une unité d’élite. Tous deux disent avoir eu le sentiment « d’une mort imminente ».
Le procureur n’a pas fait de distinction. Il a requis deux ans de prison assortis de 6 mois de sursis probatoire et un mandat de dépôt. L’affaire a été mise en délibéré au 20 octobre prochain.
Article complet du journal Le Parisien à lire en cliquant : ici
Source article : journal Le Parisien / Source image : Twitter