La Danse de la Densité Urbaine….
Densifions, densifions, il en restera toujours quelque chose…Mais quoi au juste ?
Il faut toujours revenir aux définitions des choses sinon on risque d’utiliser des mots sans trop savoir exactement ce qu’ils recouvrent. Ainsi, en va-t-il de cette fameuse densité urbaine….
Je me posais, depuis un certain temps déjà, la question de savoir pourquoi les projets urbanistiques de la ville rencontraient très souvent l’hostilité des riverains. On pourrait considérer à première vue, notamment dans les quartiers pavillonnaires, qu’il s’agit là d’un réflexe de « nantis » ou de « petits bourgeois » qui s’opposeraient à toute évolution de l’habitat aulnaysien. Et ce d’autant qu’ils seraient plus particulièrement concernés en qualité de voisins plus ou moins immédiats.
Cela peut, certes, exister, mais je crois que ce n’est pas là le fond du problème.
Le malentendu vient, je crois, de cette fameuse notion de densité…
Pourquoi ? Parce que, en raisonnant ainsi, on confond bien souvent une notion quantitative avec une notion qualitative ; une notion dite « objective » avec une notion subjective qui est de l’ordre du ressenti dans notre rapport à l’espace. Dans notre société urbaine et technocratique, on oublie en effet trop souvent que derrière des projets, des normes, des ratios, des chiffres, il existe des femmes et des hommes qui ont un rapport concret et non pas abstrait avec leur espace de vie et leur environnement.
Qu’est ce que cela signifie ?
Par exemple, que ce n’est pas la même chose d’avoir un immeuble collectif donnant sur un grand jardin public et offrant à la fois un recul et un horizon, et un immeuble collectif qui vient se surajouter à une structure existante particulièrement dense, même si cette densité s’exprime de façon horizontale et non verticale pour les quartiers pavillonnaires.
Ou encore, que ce n’est pas la même chose d’avoir un habitat collectif qui donne avec un important recul sur de larges avenues disposant d’espaces verts, de parkings, de jardins partagés et bénéficiant de commerces et d’équipements public de proximité (crèche, école, poste,…) et un habitat collectif situé dans une rue étroite au surplus embouteillée et n’offrant aux alentours que peu de jardins ou d’espaces verts, un horizon réduit et pourquoi pas des équipements publics insuffisants.
Les urbanistes distinguent deux notions : la densité nette et la densité brute. La densité nette s’exprime par le nombre d’habitants ou de logement à l’hectare en tenant compte uniquement de la seule assiette foncière. Mais il existe aussi une notion bien plus intéressante que l’on nomme la densité brute dans laquelle on intègre les parcs qui sont à proximité, les espaces de voierie, les squares publics, les équipements sportifs et culturels, les zones d’activité, ...Car, il ne s’agit pas de raisonner seulement sur le tissu urbain immédiat mais sur un tissu plus large qui constitue un espace de vie pertinent.
Et de ce point de vue il apparaît alors
pour peu que les travaux nécessaires de rénovation et de réhabilitations des quartiers Nord de la ville ( déjà largement engagés depuis l’adoption du fameux Plan de J.L.Borloo qui fut, au passage dans ce domaine un remarquable fédérateur d’énergies et d’initiatives) soient terminés dans le cadre des programmes de l’A.N.R.U.
que ce ne sont pas les quartiers Nord qui sont défavorisés mais bien les quartiers du centre et du sud.
Tout cela semble paradoxal à première vue, mais une rapide analyse de la situation permet de démontrer le bien fondé de cette affirmation.
Où se trouvent en effet, les réserves foncières les plus importantes de la Ville ? Au Nord.
Où se trouvent la plupart des stades, des équipements sportifs? Au Nord.
Où se trouvent les deux seuls parcs d’Aulnay ? Au Nord.
Où se trouvent les zones d’activités essentielles d’Aulnay ? Au Nord.
Si l’on inclut, de plus, la perspective du futur métro automatique et périphérique du « Grand Paris » près du Carrefour de l’Europe, on voit alors assez vite que le centre de gravité d’Aulnay est appelé à se déplacer vers le Nord.
C’est donc là, me semble-t-il, qu’il faut rechercher, le long d’axes structurants et à proximité des zones d’activité actuelles et futures, les véritables leviers pour une future politique urbanistique à Aulnay.
A contrario, dans le centre et le sud, les réserves foncières sont quasi inexistantes, les parcs de dimension modeste, les équipements culturels plus limités (bibliothèque Dumont et Maison de l’Environnement), les équipements sportifs limités à deux gymnases (Maurice Tournier et Le Havre), les zones d’activité économique beaucoup plus réduites et les stades ou terrains de tennis pratiquement absents. Parallèlement, le maillage pavillonnaire est très dense, sur des parcelles assez petites (2OO à 400 m2 environ) et comprend aussi, pour partie, une population vieillissante dont les revenus parfois faibles ne permettent pas toujours un entretien satisfaisant des maisons.
Il paraît donc nécessaire, me semble-t-il, de prendre en considération de telles données avant d’échafauder quelque politique urbanistique que ce soit pour le quartier de l’Hôtel de Ville, le Centre-Gare et le Sud.
Quels sont donc les atouts et les faiblesses du sud et du centre d’Aulnay ?
L’existence de la gare du RER B est aujourd’hui un atout. Mais il est insuffisamment valorisé car ses alentours immédiats sont peu attractifs, les conditions de circulation des rames et les rames elles-mêmes souvent inconfortables, particulièrement aux heures de pointe. On peut donc espérer que les travaux d’amélioration des quais, la mise en service de nouvelles rames et la création du futur métro automatique délestant pour une bonne part la ligne B, viendront améliorer à terme les conditions de transport des Aulnaysiens.
La proximité des autoroute A3 et A 86 aurait pu, elle aussi, constituer un atout, mais malheureusement celles-ci sont pratiquement toujours embouteillées de sorte qu’il est pratiquement aussi rapide d’aller à Paris en vélo qu’en voiture, sauf que rien n’est fait aujourd’hui pour rejoindre facilement les pistes cyclables du Canal de l’Ourcq à partir d’Aulnay.
Les rues du tissu pavillonnaire sont la plupart du temps étroites et ne sont pas adaptées à une circulation de transit qui vient parfois s’y immiscer, ni à une densification de l’habitat non réfléchie et non raisonnée.
Par ailleurs, l’existence d’une ligne RER non enterrée venant couper la ville en deux est fortement préjudiciable à la fluidité des circulations et à la définition d’un centre-ville cohérent et intégré.
Cette coupure, que l’on pouvait tolérer du temps de la ligne ancienne de chemins de fer et de la faible urbanisation de la ville, aurait dû être abolie depuis longtemps si une barrière mentale et nous dit-on budgétaire n’avait entravée la réflexion des équipes municipales qui se sont succédées depuis vingt ou trente années.
Mais quand on voit les travaux réalisés dans l’Ouest Parisien pour enfouir les ouvrages d’art et les travaux futurs du Métro automatique où la plupart des lignes seront souterraines, on se dit qu’il y a vraiment deux poids et deux mesures dans l’appréciation des priorités d’aménagement du territoire en Région Parisienne. Pourquoi faudrait-il alors que le Grand Est Parisien soit toujours la dernière roue du carrosse ?
Une telle initiative aurait permis de libérer une emprise foncière qui, intégrée à un espace vert nouveau, aurait permis de constituer un centre-ville cohérent et intégré permettant à la ville de mieux respirer, tout en autorisant le cas échéant des droits à construire intelligents et raisonnables et une revitalisation du commerce de proximité.
Est-il trop tard, à l’heure du « Grand Paris », pour envisager une telle hypothèse ?
Je ne sais. Mais à force de croire que rien n’est possible, on finit par se résigner et à accepter l’inacceptable.
Quoi qu’il en soit, quel pourrait être, aujourd’hui la véritable vocation des quartiers centre et sud ?
Etre un laboratoire de la qualité de vie en milieu urbain et de la qualité de l’habitat dans un tissu à prépondérance pavillonnaire qui serait progressivement embelli et accompagné de façon intelligente en lui donnant une trame et une identité urbanistique et architecturale.
C’est la raison pour laquelle on pourrait envisager de :
- Reconsidérer au centre le front bâti du Bd de Strasbourg en le « densifiant » raisonnablement lorsque cela est possible et en ravalant et en embellissant les façades au besoin avec des couleurs chaudes mettant en valeur les deux rangées de platanes. Tout cela pourrait alors donner une tonalité « méditerranéenne » sympathique.
- Utiliser les espaces directement libres derrière le Boulevard de Strasbourg dont certains abritent des logements, à priori en mauvais état, pour concevoir un tissu urbain original dans lequel il serait possible de construire, tout en maintenant un esprit « village ».
- Donner au mobilier urbain une identité forte, notamment pour les cafés restaurants afin de créer des espaces conviviaux de qualité.
- Faire le recensement des habitants des pavillons qui pourraient souhaiter en raison de leur âge et de leur revenu adopter un mode d’habitat moins isolé.
- Encourager le ravalement des pavillons existants afin de leur redonner un nouveau « look » de meilleure qualité.
- Adopter un programme de remodelage des rues proches de la place du Général Leclerc en supprimant les trottoirs et en redonnant à tout ce quartier un esprit « village » favorisant les vélos et les piétons tout en limitant la circulation des voitures.
- Réaliser des trompe-l’œil afin de donner une nouvelle cohérence à des pignons disgracieux ou massifs concernant des immeubles récents ayant reçu des permis de construire qui n’auraient jamais dû être accordés si une charte urbanistique plus exigeante avait été adoptée.
Cette liste n’est pas limitative, et on pourrait certainement trouver bien d’autres pistes de réflexion qui, si elles faisaient partie d’un plan d’ensemble, pourraient être étudiées plus en détail, hiérarchisées, chiffrées, programmées et intégrées après une vaste consultation auprès de la population aulnaysienne.
Que retenir de tout cela ?
Qu’il ne s’agit pas de construire pour construire, tout simplement parce que l’on a des familles à loger. Cela a déjà été fait dans le passé, sous le diktat de la pression démographique, avec les meilleures intentions du monde et l’on a vu les résultats.
Il s’agit, au contraire, de réfléchir en profondeur à un véritable urbanisme équilibré pouvant combiner des quartiers pavillonnaires embellis, et même rénovés avec des habitats collectifs de densité raisonnable, à condition qu’ils donnent sur des espaces ouverts et s’intègrent bien dans le tissu urbain de proximité.
Et ce, grâce à une nouvelle politique urbanistique et architecturale permettant de donner à nos quartiers sud et centre d’Aulnay un esprit et une ligne qui pourraient en faire un exemple saisissant de réflexion urbaine dans ce quartier du « Grand Paris » qui recevrait à cette occasion le nom symbolique d’ « Aulnay Village ».
Cabinets d’études, architectes, aménageurs, promoteurs publics ou privés, pourraient alors être conviés à une telle démarche, pour peu qu’ils disposent d’un schéma directeur cohérent établi en concertation véritable avec les Aulnaysiens.
Veritis.