Comment voyez-vous l'année 2012 ? C'est ce que le journal Ouest-France a demandé à Elie Cohen, professeur à Sciences politiques, directeur de recherche au CNRS et économiste de renom. De son point de vue, les effets de la crise vont s'amplifier...
A l'aube de 2012, quelles sont les perspectives pour l'économie française ?
L'affaiblissement du soutien de l'Etat, la politique de réduction des déficits, la montée du chômage, la baisse de la consommation, l'installation de la crise financière, les difficultés à financer les entreprises et les ménages : tout ceci créé un climat parfait pour l'entrée en récession.
Quelles sont les conséquences dans notre vie quotidienne ?
Pour ceux d'entre nous qui sont salariés, qui ont un emploi fixe, les effets de la crise ne se font pas encore sentir, mais ils vont s'amplifier. Le 7 mai, après les élections présidentielles, il faudra bien décider de mettre en place un vrai plan de rigueur pour réduire le déficit structurel de la France. Pour l'heure, il atteint 90 milliards d'euros, l'objectif est d'aller à zéro.
Les mesures annoncées par l'actuel gouvernement ne sont-elles pas suffisantes ?
Les plans de rigueur d'aujourd'hui, c'est de la plaisanterie. On a gratté trois milliards par ci, six milliards par là. Toutes les décisions structurelles ont été reportées à plus tard. La Révision générale des politiques publiques (RGPP) annoncée en 2007 pour réduire et améliorer les dépenses publiques, c'est de la cosmétique ! Et si rien ne s'arrange, l'Etat devra revoir les salaires de ses agents.
La vraie rigueur pour vous c'est quoi ?
Ce sera quand l'Etat réduira les dépenses publiques de manière significative et fera une réforme fiscale équitable qui ne tue pas l'activité économique. Il faut, enfin, trouver un frein à la dérive des dépenses au niveau des collectivités territoriales. Il faut aussi s'attaquer à la réforme du régime des retraites, au déficit structurel de l'assurance maladie. Quel homme politique aura le courage de le faire ?
La croissance peut-elle ainsi repartir ?
Il est certain que nous ne ferons pas 1 % de croissance, mais ferons-nous, comme le dit l'OCDE, entre 0,3 et 0,5 % ou moins ? Nous ne le savons pas encore.
La situation pourrait encore s'aggraver ?
Oui, si l'euro éclate, ce sera un cataclysme mondial. Les dirigeants le savent, mais l'accident est possible. Pour l'heure la ligne adoptée par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy nous engage dans une impasse. Si elle se fonde uniquement sur des contraintes d'austérité budgétaire, c'est l'austérité pour l'Europe pour les dix prochaines années.
Comment agir pour relancer l'activité ?
Il faut compléter ce traité par deux autres volets : la mutualisation de la dette grâce à l'intervention de la Banque centrale européenne et le soutien par l'investissement. Si l'Europe veut montrer qu'elle est solidaire, les pays d'Europe du Nord, dont la situation est correcte, doivent stimuler l'activité, et ceux du Sud doivent maîtriser leurs finances publiques. En Allemagne, le Parti social-démocrate (SPD) s'est engagé en ce sens. Lors des prochaines échéances politiques prévues en France et en Allemagne, les citoyens manifesteront leur volonté.
Source : Frédérique Jourdaa. Ouest-France du lundi 26 décembre 2011