Elle aimerait encore s’imaginer une classe de jeunes «enfants, forcément adorables», mais sait qu’elle va plutôt affronter «des ados boutonneux pas du tout enclins à apprendre l’histoire-géo». C’est la première rentrée pour Marie, lundi, prof en Seine-Saint-Denis.
«Ça va être un peu le saut dans l’inconnu», avoue cette jeune femme de 24 ans, accueillie mardi par le rectorat de Créteil pour préparer la rentrée, comme des centaines de nouvelles recrues de l’académie, qui recouvre trois départements de région parisienne.
Devenir enseignante, c’était «son rêve de gamine», assure-t-elle. Mais quand elle s’amuse à se décrire «dans 40 ans», son ironie devient grinçante : «Sans doute en dépression, fumeuse, avec plein de café dans le sang».
Dans son collège de Saint-Ouen, en zone d’éducation prioritaire (ZEP), Marie sera seule face à plus de 30 élèves. Vertigineux quand on n’a pas fait le moindre stage. «J’essaye de ne pas y penser.» «Beaucoup sont déjà stressés. Moi, je pense que ce sera ce week-end», confie Diane, future prof d’économie dans un lycée d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).
En attendant d’assister au discours d’accueil de la rectrice d’académie dans un amphi de la fac de Créteil spécialement réquisitionné, elle imagine, l’œil déterminé, ses premiers pas face aux élèves.
«Il faut me faire respecter tout de suite, montrer que c’est moi le professeur. Sans être forcément sévère, je vais leur faire comprendre que je n’ai pas prévu de me laisser faire», affirme-t-elle sans broncher malgré la pluie qui perle sur ses boucles blondes et son caban rouge vif.
Puis elle ajoute tout sourire : «Après, c’est plus facile à dire qu’à faire. Il y aura forcément des rebelles...»
- «Les élèves vont nous tester» -
Comme chaque professeur stagiaire, elle suivra toute l’année en alternance une formation théorique à l’École supérieure du professorat et de l’éducation (Espé) de Créteil, successeur de l’IUFM, pour peaufiner son approche. En général, deux jours à enseigner, trois autres à étudier.
Nicolas, futur prof de d’EPS au look de surfeur, attend beaucoup de cette formation, même s’il a déjà fait quelques semaines de stage l’an passé. «On pense connaître le métier, sans en avoir réellement une grande expérience. J’ai été loin de la réalité du terrain lors de mon année de stage», estime-t-il, assis décontracté sur les marches d’un escalier.
A 25 ans, il se dit «impatient et curieux» de débuter dans son établissement de Seine-et-Marne et «pas plus stressé que ça». «Étant donné notre âge, les élèves vont nous observer, nous tester, mais sans forcément être méchants», prédit-il.
«Moi, je vais y aller au feeling», assure Antoine, 22 ans, qui passerait presque encore pour un lycéen avec sa tenue «T-shirt-jeans-baskets».
Futur prof de physique à Meaux, ville plutôt tranquille, il avoue être «bien tombé» au sein d’une académie de Créteil souvent boudée par les enseignants, qui craignent d’être nommés dans une banlieue difficile.
Antoine, lui, refuse de se projeter plus loin que les quatre prochains mois : «J’ai envie de voir si c’est vraiment ça que je voulais faire. Je pense que je le saurai d’ici les vacances de Noël...»
Source : AFP/Libération