Vous trouverez ci-dessous un article du journal Le Monde qui intéressera les férus d'urbanisme, thème particulièrement à la mode à Aulnay-sous-Bois. Au moment où la question de la préservation du cadre de vie est au centre des préoccupations locales, le gouvernement semble plancher sur un projet qui simplifie le code de l'urbanisme en le rendant moins contraignant ! De quoi faciliter le travail des bétonneurs...
Le projet du gouvernement est passé inaperçu, mais il est d'importance, car il contient une batterie de mesures visant à permettre aux particuliers de construire plus facilement en France. Ce projet a été présenté lors d'un séminaire de professionnels du bâtiment, à l'Hôtel Concorde à Paris, les 26 et 27 mai. Cette assemblée réunissait quelque 200 personnes qui ont planché depuis dix mois, à la demande de Benoist Apparu, secrétaire d'Etat au logement, sur un assouplissement des règles de l'urbanisme.
Il en est sorti un rapport baptisé "Urbanisme de projet" et 72 propositions qui pourraient bouleverser le quotidien des Français. Notamment une, la plus spectaculaire, qui va réjouir ou inquiéter : agrandir ou surélever sa maison ou son immeuble sans permis de construire avec une simple déclaration préalable en mairie deviendrait légal jusqu'à 40 m2 de surface supplémentaire, et non plus 20 m2, comme le prévoit le code de l'urbanisme.
Ces projets répondent à "la demande du président de la République qui souhaitait que notre pays engage une simplification profonde de notre urbanisme", commente le cabinet de M. Apparu, pour qui toutes les mesures devraient être applicables au 1er janvier 2012. "Ce n'est pas le grand soir de l'urbanisme, mais toute une série de petits matins pour simplifier la vie des Français."
DÉGRADATION DU PAYSAGE
On imagine la satisfaction du secteur du bâtiment – des constructeurs aux agences immobilières. Le gouvernement, pour qui l'enjeu est comptable, l'a bien compris : il y a une demande de logements, donc il faut doper la construction, et pour cela, il faut alléger les règles.
A plusieurs niveaux. Pour les particuliers, la procédure d'extension des logements sera simplifiée et accélérée. La simple déclaration préalable en mairie pour tout projet de construction inférieur à 40 m2 aura un effet immédiat : il n'y aura plus besoin d'attendre le feu vert d'un permis de construire – de deux mois à un an en moyenne.
Une autre mesure consiste à prendre en compte la surface dite "plancher" et non plus la surface habitable qui inclut les murs : soit un gain de 10% du potentiel constructible. De plus, pour lutter contre la rétention foncière, tout terrain constructible non bâti serait surtaxé et non l'inverse, comme actuellement. "Il faut densifier les zones pavillonnaires", renchérit le cabinet de M.Apparu.
Cette batterie de mesures inquiète tous ceux qui défendent la qualité du paysage et de l'environnement et veulent préserver les sites protégés. C'est la mesure phare des 40 m2 qui a déclenché la mobilisation des Architectes des bâtiments de France (ABF), du Conseil national de l'ordre des architectes, du G8 patrimoine, regroupant les huit principales associations de défense du patrimoine.
Lionel Carli, président de l'ordre des architectes, s'inquiète pour la qualité du paysage "banal", déjà bien dégradé par des constructions anarchiques et de qualité médiocre: "Libérer la densité de la construction sans contrôler sa qualité ne peut qu'amplifier la dégradation des sites et paysages. Les conséquences de ces mesures seront les plus catastrophiques dans les lotissements et zones pavillonnaires." Pour M.Carli, le problème n'est pas tant celui de la surface constructible que "la manière dont elle est mise en œuvre, pour quels besoins et pour quels bénéfices pour les propriétaires et usagers du quartier".
Frédéric Auclair, secrétaire général de l'Association nationale des ABF s'emporte aussi, en mettant en avant – c'est son rôle – sa mission de protection du paysage :"La liberté des uns commence là où s'arrête celle des autres. L'Etat est dans l'abandon du contrôle. Au lieu de dire qu'il n'y a plus de fonctionnaires pour accomplir ce contrôle, il change la loi. Nous les ABF – contrôlant le respect des codes de l'urbanisme et de l'environnement, les projets en secteurs sauvegardés et sur les sites inscrits ou classés monuments historiques –, sommes trop peu nombreux, il suffirait d'en mettre quarante de plus." M. Auclair conclut : "On ne se demande plus comment dépenser pour le patrimoine, mais combien il rapporte."
Les ABF montent une fois de plus au front, rappelant que nos voisins européens nous envient nos outils de protection de l'environnement et du patrimoine. "Il faut arrêter de toucher à ces outils et réfléchir au renforcement susceptible d'en assurer une application impartiale. L'interrogation majeure, non résolue depuis 1981, reste la séparation administrative de l'architecture et du logement", insiste M.Auclair.
Pour l'Etat, dans une autre logique, il n'est pas question de reculer, mais plutôt d'accélérer, afin que les mesures entrent vite en vigueur. Le cabinet de M. Apparu réfléchit à la rédaction des textes définitifs. La modification du code de l'urbanisme concernant le permis de construire imposé désormais à partir de 40 m2 fera l'objet d'un décret du Conseil d'Etat, dans les semaines à venir. La réforme "Urbanisme de projet" sera traduite par quatre ordonnances, prévues par la loi Grenelle II et qui pourraient être présentées en conseil des ministres, courant juillet ou en septembre.
Florence Evin. Le Monde, article paru dans l'édition du 24.06.11