En trente-cinq ans à l’usine d’Aulnay-sous-Bois, Michel n’a jamais fait grève. Jamais manifesté. A l’âge de 53 ans, l’employé de maintenance va peut-être franchir le pas aujourd’hui : « C’est pas dans mes habitudes, mais c’est notre avenir qui est en jeu. » Comme lui, les salariés de l’usine PSA Peugeot-Citroën seront probablement nombreux à se rassembler à 13h30 aux abords de la gare RER d’Aulnay.
La manifestation a été convoquée par la totalité des syndicats du site*, qui ont distribué, parfois ensemble, leurs tracts sur les marchés de la ville, et fait imprimer 10000 autocollants pour le défilé. L’initiative a reçu le soutien de nombreux élus du département, à commencer par le maire (PS) d’Aulnay, Gérard Ségura, la totalité du conseil municipal, et par des militants de gauche. Des salariés d’autres entreprises du 93 pourraient s’y joindre. La marche promet d’être dense, portée par une seule et même exigence, inscrite en toutes lettres sur la banderole de tête : « Non à la fermeture de PSA Aulnay».
Mouvement historique? Ce serait la « première grande manifestation ouvrière dans les rues d’Aulnay depuis 1968 », affirme en tout cas François Asensi, député-maire (Front de gauche) de Tremblay. C’est aussi le signe, s’il en fallait un de plus, que parmi les 3100 salariés du site, bien peu ont été convaincus par les protestations de la direction du groupe.
« On a la certitude qu’Aulnay va fermer, ils attendent peut-être juste que les élections soient passées. Nous, on réclame juste un nouveau projet pour l’usine », lâche Bouazza, syndiqué CFTC. « Les jeux sont faits, soupire Christophe, trentenaire désabusé, employé ici depuis treize ans. Que ce soit Sarkozy ou Holland, c'est l'industrie qui est la plus forte dans ce pays...
La menace plane sur l’usine d’Aulnay depuis l’été dernier. La CGT avait dévoilé une note interne au groupe envisageant la disparition de l’usine. Perspective écartée par la direction du groupe, qui n’a toutefois jamais garanti le maintien de la production au-delà de 2014. « Ils refusent de nous répondre, alors si une manif ne suffit pas, il faudra trouver autre chose », estime Hafida, 47 ans, dont dix passés sur la chaîne de montage.
Jusqu’à présent, il n’y a eu que quelques débrayages sporadiques, souvent à l’occasion de comités centraux d’entreprise : « Un jour, glisse l’ouvrière, il faudra bien arrêter la production. »
* CGT, SIA, SUD, CFDT, FO, CFTC et CGC.
Source article et photo : Gwenael Bourdon Le Parisien du samedi 18 février 2012