Publié le 23 Avril 2012
L’arrivée annoncée de deux multiplexes à Aulnay-sous-Bois et à Tremblay-en-France sonne-t-elle la fin des petites salles? C’est en tout cas la crainte de la fédération des cinémas indépendants du 93, Cinémas 93. Avec son soutien, la mairie du Blanc-Mesnil envisage de déposer un ultime recours — non suspensif — devant le Conseil d’Etat contre le projet de 14 salles UGC à Aulnay-sous-Bois. Le multiplexe doit ouvrir en 2013 au sein du centre commercial O'Parinor.
« La commission départementale d’aménagement culturel (CDAC) nous a donné il y a deux ans une autorisation d’agrandir le cinéma municipal Louis-Daquin, explique Didier Mignot, maire PC du Blanc-Mesnil. On prévoit de passer de deux à trois salles et de 40000 à 70000 entrées annuelles. Cet objectif est contradictoire avec l’arrivée du multiplexe d’Aulnay. » La ville souhaite qu’UGC revoie son projet à la baisse, « avec six ou sept salles seulement».
Or, le dossier a reçu le feu vert de la CDAC à l’automne, tout comme celui porté par Europacorp à Tremblay, avec la construction programmée de 12 salles (2500 fauteuils) au sein du futur centre commercial Aéroville. Un premier recours a été rejeté par la Commission nationale d’aménagement culturel (Cnac) le 23 mars. « Ce jour-là, nous avons eu dix minutes pour expliquer pourquoi l’implantation de ces multiplexes allait totalement déséquilibrer le marché, explique Frédéric Borgia, délégué général de Cinémas 93. Nous n’avons pas été entendus. La Cnac a validé un modèle de développement unique, le multiplexe dans un centre commercial. » « Avec 14 salles à Aulnay, UGC veut occuper la totalité du marché, y compris celui du film d’auteur, commente Corentin Bichet, directeur du Louis-Daquin au Blanc-Mesnil. C’est une concurrence frontale et une véritable menace pour le cinéma indépendant».
L’accusation arrache un soupir à Hugues Borgia, directeur général chargé du développement chez UGC Ciné-cités. « Pour réaliser 30000 entrées de plus, on veut empêcher un cinéma d’en faire 700000? Les salles municipales font un travail formidable, avec des fonds publics. De là à se sentir en compétition avec des salles privées, c’est absurde! Ce territoire est sous-équipé. La plupart des spectateurs vont aujourd’hui jusqu’à l’UGC de Rosny ou aux Halles à Paris, pour voir des films grand public. L’enjeu, c’est de relocaliser la fréquentation dans le 93. »
En gage de bonne volonté, UGC a promis de signer une convention avec le groupe Hammerson (propriétaire du centre commercial O’Parinor) et la ville d’Aulnay pour aider le cinéma-théâtre Jacques-Prévert. Le lieu pourra ainsi passer au numérique, et garde la main sur les actions en lien avec l’Education nationale. Christophe Ubelman, directeur du petit cinéma, n’est donc pas inquiet : « Aulnay ne compte aujourd’hui qu’une salle et demie pour 80000 habitants, c’est ridicule! » reconnaît-il, tout en affirmant « comprendre » la révolte de ses voisins. D’autant que trois autres multiplexes doivent pousser aux portes de Paris : un Etoile cinéma, en construction porte des Lilas, un UGC dans la ZAC Claude-Bernard (XIXe), et un troisième cinéma porte de la Villette.
Source : Nathalie Perrier et Gwenael Bourdon. Le Parisien du lundi 23 avril 2012.