Les salariés de l'usine d'Aulnay, inquiets pour leur avenir, ont manifesté hier devant le studio où se tenait le débat des candidats. François Hollande est venu les saluer.

Tout au long de la campagne présidentielle, les salariés de l’usine automobile PSA d’Aulnay-sous-Bois ont multiplié les actions. Ils craignent que leur site ne ferme à l’arrêt de la production de la C3, en 2014. Mi-avril, ils avaient manifesté devant le QG de Nicolas Sarkozy, qui a fini par recevoir une délégation. Mardi, ils étaient en tête du défilé du 1er Mai à Paris. Hier, ils ont voulu profiter du duel télévisé entre les deux candidats pour se faire entendre. Objectif : approcher au plus près du studio de télévision de la Plaine-Saint-Denis où l'émission devait être réalisée en direct.
18h15
C’est au Président, un café de l’avenue du Président-Wilson, à Saint-Denis, que la CGT, la CFDT et le SIA (Syndicat indépendant de l’automobile) de l’usine PSA Peugeot Citroën d’Aulnay ont donné rendez-vous à leurs militants. A quelques minutes à pied, le Studio 107, où se déroulera d’ici quelques heures le débat Sarkozy-Hollande. Le but : « Interpeller les deux candidats pour que chacun s’engage, s’il est élu, à organiser une réunion tripartite avec la direction de PSA, les syndicats d’Aulnay et son ministre de l’Industrie », indique Jean-Pierre Mercier, délégué central CGT. « On va s’approcher du studio, explique Tanja Sussest, déléguée du SIA. Y entrer, on n'y croit pas trop."
18h30
« Les gars, on y va! » Le café se vide, on enfile des chasubles jaunes, on épingle des badges : « Tous ensemble contre la fermeture d’Aulnay. » Didier et Sandrine Martig sont venus manifester en couple. Lui est « du matin », elle « de l’après-midi pour pouvoir s’occuper des enfants ». « En trente et un ans de travail, je n’ai jamais débrayé, pas un arrêt de travail, clame-t-il fièrement. Mais là, depuis quelques mois, je n’ai pas hésité, je défends l’outil de travail! » Qu’espèrent-ils des candidats? « Ils pensent plus à eux qu’à nous! Sarkozy, je ne lui fais pas confiance. Je viens de Lorraine, mes oncles travaillaient à Gandrange, il était allé faire des promesses qu’il n’a pas tenues », peste Didier. « Si l’un d’entre eux fait quelque chose pour la boîte, on votera pour lui", assure Sandrine.
18h40
Ils sont une centaine massés derrière leur banderole dans la petite rue Proudhon, face à un cordon de CRS et de policiers accourus en hâte, à quelques mètres de l’entrée des studios. La pluie tombe drue. Les slogans se succèdent : « De l’argent, il y en a, dans les caisses de PSA! », « Aucune usine ne doit fermer! », « Interdiction des licenciements ». Pour prendre tout le monde de court, les syndicats n’ont leurs militants que dans la journée : « Moi, on m’en a parlé à la pause de 17 heures, quand on prenait le thé. J'ai débrayé, bien sûr !" glisse Bachir, 62 ans.
19h25
Le préfet de Seine-Saint-Denis, Christian Lambert, appelé en renfort, vient à la rencontre des manifestants : « Vous êtes prêts? » Quelques syndicalistes le suivent vers l’entrée du studio. Le représentant de l’Etat a joué les intermédiaires en coulisses : « J’ai été averti de la manifestation, j’ai contacté le staff de François Hollande et l’entourage du président, qui ont donné leur accord pour recevoir une délégation".
20 heures
Une Citroën C6 ralentit devant le Studio 107. Les manifestants s’écrient : « C’est lui, c’est lui! » François Hollande sort du véhicule et avance sans hésiter vers le petit rassemblement, l’air grave. Escorté par les caméras et les micros, il traverse la haie des forces de l’ordre, s’arrête à quelques centimètres des ouvriers de PSA : « Je savais que vous étiez là, déclare-t-il. Après le 6 mai, si les Français me choisissent, nous aurons rendez-vous. » Les manifestants exultent, tandis qu’un syndicaliste rappelle au micro les aides publiques dont le constructeur a bénéficié ces dernières années. "Un projet pour Aulnay, un projet pour Aulnay !".
20h15
La délégation ressort du bâtiment. Elle a pu rencontrer les socialistes Stéphane Le Foll et Aurélie Filippetti, ainsi qu’un conseiller de Nicolas Sarkozy. « Aucun engagement n’a été pris, il faudra continuer quel que soit le président élu », estime Tanja Sussest. Larbi Erraai, délégué CFDT, a une satisfaction : « Ils se sont engagés à parler du cas d’Aulnay devant des millions de Français. » Les manifestants se dispersent, une partie devait suivre le débat hier soir dans les locaux du comité d’entreprise, à l’usine.
Source information et photo : Gwenael Bourdon. Le Parisien du jeudi 3 mai 2012.