Ma maison est préemptée par la commune, que faire ?
Publié le 11 Mars 2010
Ces temps-ci, comme chacun le sait, l'urbanisme est un thème assez récurrent dans les conversations aulnaysiennes. Profitant d'une fiche pratique d'une habitante de notre cité, à laquelle je fais un clin d'oeil amical au passage, Aulnaylibre aborde ce matin la préemption. Ce n'est pas le sujet le plus fun du moment, j'en conviens, mais parfois il est utile de connaitre ses droits. Voici donc quelques informations ci-dessous.
Stéphane Fleury.
Lorsque vous vendez votre maison, la commune peut user de son droit de préemption pour acheter votre bien. Mais vous disposez de moyens pour vous faire entendre. Toute commune a la possibilité, dans le cadre de sa politique d'aménagement, de s'arroger des prérogatives en vue de réaliser des opérations d'intérêt général (création de logements sociaux, d'équipements collectifs, accueil d'activités économiques...). Elle peut ainsi instaurer un droit de préemption urbain (DPU) sur tout ou partie de son territoire. Lorsqu'un bien immobilier (maison, terrain nu...) est mis en vente, elle peut se substituer à l'acquéreur. L'acheteur évincé ne peut prétendre à aucune indemnisation. Il récupère seulement la somme versée d'avance au moment de la signature de la promesse ou du compromis de vente.
S'informer avant de vendre.
Vous pouvez vous renseigner auprès des services d'urbanisme de la mairie afin de savoir si votre bien se trouve (ou risque de se trouver prochainement) dans une zone de préemption. Si c'est le cas, rien ne vous empêche d'adresser vous-même une demande d'acquisition à la commune. Si celle-ci vous informe de son intention d'acheter, inutile de chercher un acquéreur. Mieux vaut négocier directement avec la mairie. Avant de signer le moindre document, prenez toutefois conseil auprès d'un avocat spécialisé, ou de spécialistes en la matière.
La commune doit être prévenue de la vente.
Une fois la promesse ou le compromis de vente signé, le notaire informe la mairie de la mise en vente de votre bien par le biais d'une déclaration d'intention d'aliéner. Celle-ci fait état de votre identité, de la nature du bien vendu et des conditions de la vente. Le maire dispose alors d'un délai de deux mois, à compter de la réception de ce document, pour informer le notaire de son souhait d'acheter ou non. Son silence équivaut à un refus d'acquérir. Vous pouvez alors vendre votre bien, mais seulement au prix et aux conditions indiquées dans la déclaration d'intention d'aliéner.
A noter que si aucune déclaration n'est envoyée à la commune, le maire peut, pendant 5 ans à compter de la publication de l'acte à la Conservation des hypothèques, demander l'annulation de la vente.
La commune accepte le prix.
Si la commune vous fait savoir qu'elle souhaite exercer son droit de préemption et accepte le prix demandé, vous êtes obligé de lui vendre votre maison. L'acte authentique de vente doit être signé dans les 3 mois suivant l'acceptation par la commune. Celle-ci doit vous payer dans les 6 mois. Vous avez le droit, et tout intérêt, à rester dans les lieux jusqu'au paiement intégral du prix. En cas de retard de paiement, vous pouvez saisir le tribunal de grande instance pour demander des intérêts de retard.
La commune propose un prix inférieur.
Vous avez 2 mois à compter de la réception de la réponse de la mairie pour vous décider. Vous pouvez accepter l'offre, la refuser, ou renoncer à vendre. Votre silence sera interprété comme un refus de vendre. Si vous refusez le montant proposé par la commune, celle-ci doit saisir le juge de l'expropriation afin qu'il détermine un prix. Il vous faudra démontrer que celui proposé par la commune est trop faible, en présentant des références de biens semblables au vôtre vendus récemment près de chez vous. Bien que ce soit facultatif, il est recommandé d'avoir recours aux services d'un avocat spécialisé afin de constituer un dossier solidement étayé.
Si vous jugez la proposition de la commune insuffisante, n'hésitez pas à la refuser. La mairie devra saisir le juge de l'expropriation afin qu'il fixe le prix de vente :
Etape 1 : informez la mairie que vous acceptez de vendre, mais pas au prix proposé (par lettre recommandée avec AR).
Etape 2 : la mairie a 15 jours à compter de la réception de votre réponse pour saisir le juge de l'expropriation (tribunal de grande instance). Elle doit consigner dans les 3 mois une somme d'argent (15% du prix évalué par les Domaines).
Etape 3 : le juge de l'expropriation rend sa décision et fixe le prix de vente. Vous disposez alors d'un délai d'un mois pour choisir de faire appel de la décision ou non.
Etape 4 : vous ne faites pas appel dans le délai de 1 mois. Vous avez encore 2 mois pour choisir entre deux options :
- Vous acceptez le prix fixé. L'acte de vente est signé chez le notaire dans les 3 mois à compter du jugement devenu définitif. Dans tous les cas, restez dans le logement jusqu'au paiement intégral du prix (en principe dans les 6 mois).
- Vous renoncez à la vente. Adressez un courrier recommandé avec AR à la mairie pour l'informer de votre décision. A noter que la mairie peut aussi renoncer à acheter. Dans ce cas, vous avez cinq ans pour vendre le bien à la personne de votre choix, mais au prix fixé par le juge (révisé selon l'indice du coût de la construction).
A noter enfin que si la vente a été confiée à un agent immobilier, la commune lui versera sa commission s'il est indiqué, dans la déclaration, que ces frais sont à la charge de l'acquéreur.
Vous contestez le droit de préemption.
Vous avez également la possibilité de faire annuler la décision de préemption pour illégalité. Il vous faut alors démontrer devant le tribunal administratif que la procédure de préemption n'a pas été respectée (décision non ou mal motivée, délai non respecté). L'assistance d'un avocat spécialisé en droit administratif est vivement recommandée pour ces dossiers à caractère technique. Si cette situation vous a occasionné un préjudice, vous pouvez demander à être indemnisé (par exemple, perte de revenus qui auraient pu être tirés du placement du capital correspondant au prix de vente). Les juges se prononcent au cas par cas. Si la préemption est annulée, aucune nouvelle décision de préemption ne peut intervenir pendant un an à compter de la décision de justice définitive. Durant ce délai, vous pouvez donc vendre librement aux prix et conditions que vous souhaitez.
Contrôlez l'utilisation du bien.
Si, dans les cinq ans après l'avoir préempté, la commune utilise le bien à une autre fin que celle initialement prévue, elle doit vous en informer et vous pouvez alors intenter un recours en illégalité. Par ailleurs, si elle revend le bien, elle doit vous proposer en priorité de le racheter.
En cas de désaccord sur le prix, c'est le juge de l'expropriation qui est compétent. Si, finalement, vous renoncez à racheter, la commune doit alors proposer le bien à l'acquéreur évincé, c'est-à-dire celui qui est cité comme acheteur dans la déclaration d'intention d'aliéner.
Où trouver l'info ?
Auprès de l'agence départementale pour l'information sur le logement (Adil). Coordonnées de votre agence au 0 820 1675 00 (0,12 €/mn) et sur www.anil.org
Auprès de l'Union nationale de la propriété immobilière (UNPI) : 11, quai Anatole-France, 75007 Paris. Coordonnées de votre chambre syndicale au 01 44 11 32 42 et sur www.unpi.org
Pour télécharger la déclaration d'intention d'aliéner : Formulaire Cerfa 10072*01 sur le site www.service-public.fr dans "Services en ligne et formulaires", taper "déclaration d'intention d'aliéner".
Source : Pleine vie, les fiches pratiques de la vie quotidienne. En collaboration avec Frédérique Lehmann. Février 2010.