Ils sont derrière les tourniquets, à tous les accès et même dans les trains. Impossible de resquiller, les contrôleurs sont partout. Même les plus lestes des voyageurs, qui tentent d'esquiver le face à face, se cassent les dents. Un pas de côté, un autre en arrière et hop : « Bonjour Monsieur, votre titre de transport s'il vous plaît. » S'ils sont capables de faire grève, pour réclamer des renforts, ils peuvent aussi être redoutables lorsqu'ils sont aussi nombreux, près d'une centaine, comme ici, en gare d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).
Un voyageur sur dix sans titre de transports
L'opération est nommée « B Zen », en référence à la ligne B, qui traverse l'Ile-de-France du Nord au sud, celle aussi où la fraude est la plus importante d'après les études de la SNCF. 12,5 % de fraude, soit plus d'un voyageur sur 10 sans titre valable. « On le sait parce qu'on observe que les tourniquets sont souvent sautés, et les études et enquêtes trimestrielles menées auprès des voyageurs le confirment », éclaire Michel Bendjiriou, responsable Sûreté et lutte anti-fraude Transilien, sur les lignes B, H et K.
900 000 voyageurs, dont 360 000 sur la partie nord (Gare-du-Nord-Aéroport de Roissy), la ligne B est l'une des plus fréquentée d'Europe. C'est aussi la seule liaison de transports en commun entre l'aéroport de Roissy -- première frontière de France -- et la capitale.
Quand on sait que c'est un axe où les incivilités sont en hausse, bien au-delà de la moyenne francilienne (+ 16 % contre + 9 % en Ile-de-France depuis le début de l'année), on comprend un peu mieux pourquoi la SNCF met les bouchées doubles. Le manque à gagner a en effet été chiffré à 9,5 M€ par la SNCF pour la seule année 2014.
Des passagers « clandestins » pas toujours chaleureux
Pour le côté zen de l'opération, en revanche, il faudra repasser. En apercevant la haie d'uniformes, deux jeunes voyageurs entonnent à tour de rôle : « C'est la fin du mois, ils profitent des pauvres, sortez vos tickets ! » Si les contrôleurs restent courtois et le plus souvent souriants, les passagers clandestins ne sont pas forcément chaleureux. Ainsi, une mère et sa fille, qui sont arrivées de Villiers-le-Bel (Val-d'Oise) en passant par Paris, pour voir le frère. La mère fait mine de chercher son ticket, en sort plusieurs, mais aucun de valable. « Ben, on a un ticket... » suggère la fille qui vient à sa rescousse, présentant son aller Villiers-le-Bel-Paris. « Mais pour aller à Aulnay, depuis Paris, vous avez fait comment ? Il vous faut un ticket, ce n'est pas la même ligne », lui oppose le contrôleur qui verbalise deux fois. Et puisqu'elles ne payent pas sur place, la douloureuse passe de 50 à 80 €.
Certains sont prêts à tout
A côté, une lycéenne bien mignonne, prétend qu'elle n'a pas de document d'identité. « Alors ce sont vos parents qui viendront vous chercher, c'est la loi ». « Mais je peux vous donner mon nom et mon prénom... » propose-t-elle. « Ah non, c'était avant ça ! » lui répond le contrôleur. Elle finit par sortir... son carnet de correspondance. Les boîtiers des contrôleurs prennent toutes les cartes, en plus des chèques et espèces. « Je me souviendrai toujours de cette femme contrôlée Gare du Nord, du temps de la carte Orange (NDLR : avant le passe Navigo), elle avait plusieurs titres falsifiés, et pour échapper à l'amende, elle s'est mise à se déshabiller, j'ai dû appeler la police », raconte Antonio, vingt ans de métier, selon qui le fraudeur n'a pas d'âge, ni de sexe. Pareil pour les incivilités.
485 amendes en quatre heures
« Parfois, ce sont des touristes ou des hommes en costumes qui mettent les pieds sur les sièges », assure Basile, chef d'équipe des médiateurs « Promevil », ces blousons bordeau qui sillonnent les trains en équipe sur la partie nord, depuis trois ans. En quatre heures de contrôles, en gare d'Aulnay, 485 voyageurs ont été mis à l'amende. La vente aux guichets, elle, a augmenté de 88 % !
Source : Le Parisien