Comme tous les dimanches ou presque, assises devant un café ou un thé à la menthe, Zohra*, Camilia, Ben et Sylvie se retrouvent dans le grand appartement qui accueille la cellule de soutien aux familles désemparées par la radicalisation islamiste de leur proche, mise en place en novembre en Seine-Saint-Denis. Ces proches sont envoyés dans ce lieu tenu secret via le numéro vert mis en place par le ministère de l'Intérieur. Hier, le député (PS) des Hauts-de-Seine, Sébastien Pietrasanta, chargé depuis vendredi par le ministère de l'Intérieur de travailler sur les phénomènes de radicalisation, a consacré son premier déplacement à ces familles dont les enfants sont partis faire le jihad. Il a longuement écouté ces parents, frères et sœurs venus du Val-de-Marne, de Seine-Saint-Denis, du Val-d'Oise et d'autres départements d'Ile-de-France, voire de France. Habitantes du Val-d'Oise, Nadia et Camilia, la maman et la sœur de Ryad, en Syrie depuis avril 2014, ont raconté au député leur histoire, leur détresse et leur désarroi face à ce fils, ce frère qu'elles ne reconnaissent plus.
Tout a commencé début 2014 par « des petits signes », raconte sa sœur. « Il n'écoutait plus de musique. Il a refusé de venir à mon mariage parce que c'était un mariage mixte. Il ne fumait plus, ne buvait plus. Il s'est mis à pratiquer alors qu'il n'était pas croyant. » Bien qu'inquiète, la famille est loin d'imaginer que ce jeune homme de 21 ans, gardien d'immeuble, s'apprête se rendre en Syrie. « Quand il venait à la maison, il cachait ses intentions, poursuit Camilia. En avril, il nous a annoncé qu'il partait à La Mecque. Il a donné plein d'affaires. Je me suis méfiée. Le jour de son départ, j'ai voulu l'accompagner à l'aéroport. Mais il était déjà parti, trois jours avant. »
Pour sa mère et ses sœurs, commence alors une longue descente aux enfers. « Aujourd'hui, il a changé de nom, il s'est laissé pousser la barbe, il vit comme au Moyen Age », raconte sa mère, en dépression depuis son départ. Pour autant, le jeune homme n'a jamais perdu le contact avec ses proches. « Au téléphone, il me dit : je suis parti là-bas pour avoir une place au paradis pour toi et moi..., témoigne Nadia. C'est n'importe quoi, ce qu'il raconte. Ce n'est pas la religion, ce n'est pas l'islam. Je ne le reconnais plus. Ce n'est pas mon fils. Pour moi, ce qu'il a fait, c'est une trahison. »
A-t-elle encore l'espoir de le voir revenir un jour ? « Non, je sens qu'il ne reviendra pas. Un an, c'est trop long ». Et si jamais il revenait ? « Je serai soulagée car il serait vivant, mais j'aurais peur de ce qu'il peut faire... » A ses côtés, sa fille opine. « Sur Facebook, il se vante d'être au combat. Les attentats en France, il était content... S'il y en avait tous les jours, il serait content. Pour lui, on est des mécréants. J'étais très proche de lui mais, aujourd'hui, ce n'est plus la même personne. S'il rentrait, il faudrait qu'il ait un accompagnement. Des jeunes comme mon frère, si on les met en prison comme ça, sans suivi, ce sont des bombes à retardement. »
* Tous les prénoms ont été changés.
Source : Le Parisien