Vivre dans le 93, vrai obstacle à l’embauche
Publié le 18 Juin 2013
Une étude vient confirmer de manière nette les discriminations à l’adresse qui frappe les jeunes de la Seine-Saint-Denis.
Selon que l’on habite en Seine-Saint-Denis ou à Paris, a-t-on les mêmes chances de décrocher un entretien d’embauche ? Non, rétorqueront de façon instinctive nombre de demandeurs d’emploi du 93. Mais, cette fois, la réponse vient d’une équipe de chercheurs dans une étude* de 52 pages publiée par l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus). Le document démontre qu’une réelle discrimination à l’adresse est à l’œuvre.
Les chercheurs ont appliqué la méthode du testing, en créant des profils de candidats fictifs. De jeunes hommes, demandeurs d’emploi, Français, au CV identique, dont rien n’indique s’ils sont ou non d’origine immigrée. La véritable distinction portait donc sur le lieu de résidence.
Six adresses ont été utilisées : trois à Paris dans le XVIIIe arrondissement, trois en Seine-Saint-Denis, en ciblant à chaque fois un quartier favorisé (place du Tertre à Paris, Le Raincy dans le 93), une zone sensible (la Goutte-d’Or à Paris, le quartier Blanqui à Bondy), et, enfin, un quartier intermédiaire (rue Championnet à Paris, Bondy hors zone urbaine sensible). Trois mille lettres de candidatures ont été envoyées, qui ont permis de tester 500 propositions de postes de serveurs et de cuisiniers (deux professions « suffisamment en tension pour que les offres d’emploi disponibles soient nombreuses », précise l’étude). De deux candidats parisiens ayant le niveau bac et postulant à un emploi de serveur, celui qui habite place du Tertre décrochera plus de rendez-vous (31,5% de oui) que celui qui réside à la Goutte-d’Or (23,6%).
Les emplois francs, le nouvel outil antidiscrimination
Mais c’est entre le 93 et Paris que le décalage est le plus flagrant. « Plus encore que l’effet quartier, on a constaté un effet Seine-Saint-Denis. Le département entier semble être pris pour une ZUS », note Michael Orand, responsable du département de l’évaluation de l’Onzus. Même l’habitant du Raincy, ville aisée, n’y coupe pas. Il obtient en moyenne deux fois moins d’entretiens d’embauche que le Parisien des beaux quartiers. Ces résultats traduisent-ils les préjugés des recruteurs? Ou une simple réaction de prudence face à des candidats habitant loin et dans des zones parfois mal desservies? Si la distance peut jouer, ce n’est pas la seule explication, affirme l’étude.
Ce testing confirme le poids des préventions à l’égard de la Seine-Saint-Denis. Au ministère de la Ville, on souhaite « affiner les résultats, les élargir au reste de la France ». Mais, déjà, François Lamy lance un nouvel outil antidiscrimination, les « emplois francs ». Le décret d’application vient d’être signé. Les entreprises embauchant des jeunes de quartiers sensibles recevront une aide de 5000 € sur deux ans. Le test sera mené à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil, mais aussi à Villiers-le-Bel, Gonesse, Garges et Sarcelles, dans le Val-d’Oise.
Consultable sur www.onzus.fr.
Source : Le Parisien