Centres d’appels : le nouveau prolétariat
Publié le 18 Avril 2013
Je profite d’un excellent reportage sur France 2, « Envoyé spécial, la suite » diffusé le 13 Avril 2013, pour écrire quelques mots au sujet de ce phénomène.
Je le sais bien : il faut bien que les anciens pays du tiers monde, devenus, aujourd’hui, les pays émergents se développent et créent des emplois…Il vaut mieux aussi que des jeunes, bien souvent diplômés, puissent rester dans leur pays d’origine plutôt que d’être déracinés et vivre dans ces ghettos qui sont la honte de notre République. Laquelle a mieux à faire qu’accueillir toute la misère du monde : faire en sorte que sa propre misère ne se développe pas sur son sol.
Je sais aussi que toutes les organisations cherchent à rationnaliser leur production et notamment celle qui concerne l’information, les services et les renseignements de toute sortes. C’est ainsi que sont nés les centres d’appels. Vous contactez un centre de réservation ou de renseignement, un fournisseur de ceci ou cela, que sais-je encore et il y a toutes les chances pour qu’en composant votre numéro de téléphone, non sans avoir préalablement tapé sur étoile, un, deux ou trois, à plusieurs reprises, vous vous retrouviez avec un conseiller, plus ou moins aimable et compétent, situé aux quatre coins de l’Europe et du monde. Sans compter ceux qui se permettent de vous démarcher sur votre téléphone fixe ou portable.
On appelle cela optimisation. Optimisation des coûts. Optimisation des ressources. Optimisation des structures. Optimisation des procédures. Optimisation des profits aussi. On peut considérer cela comme un cercle vertueux. Des dizaines, voire des centaines de milliers de gens sortent de la pauvreté et consomment ce qui peut venir de chez nous ou d’ailleurs. On peut aussi le considérer comme un cercle vicieux : plus de chômage dans notre pays et donc moins de consommation, de cotisations sociales et d’impôts, et donc aussi plus de déficits en tous genres entrainant une spirale déflationniste dangereuse.
Vaste débat. Celui de cette fameuse mondialisation qu’il ne sert à rien de nier. Dont il faut sortir par le haut par l’éducation, la formation, la recherche et l’innovation. Mais dont il faut sortir aussi par la conscience. Conscience des ressources à portée de chez nous avec leur impact démultiplié sur la vie locale. Ainsi en va-t-il de l’agriculture raisonnée ou biologique. De ces petits métiers de proximité qui rendent tout simplement la vie possible. De ces ateliers ou usines disséminés sur notre territoire qui assurent non seulement des emplois directs mais aussi indirects. De ces associations ou initiatives locales qui créent du lien social. Loin de nos économistes à courte vue qui calculent souvent si peu et si mal.
Vaste débat, aussi. Celui des conditions de travail. C’est le règne de l’ « open space », comme l’on dit maintenant. Celui des nouvelles cadences infernales. Des discours formatés et rationnalisés. Des surveillances en chaine. Du taylorisme en tous genres, celui qui non seulement frappe les corps, mais aussi les esprits. Celui qui façonne nos désirs en vantant les mérites du dernier produit à la mode, sans lequel vraiment on ne peut plus vivre…Bref, du formatage absolu tant des conditions de travail et de production que des logiques de consommation.
Tout cela n’est pas fatal, pour autant.
Des résistances s’organisent dans tous les domaines. De la « slow-food » aux circuits courts. Des luttes sociales aux comités de vigilance sur tel ou tel aspect de la vie quotidienne. Des initiatives individuelles aux associations de toutes sortes. Des mouvements spirituels authentiques à tous ceux qui, lorsqu’ils le peuvent ou s’en donnent les moyens, changent de vie, un jour ou l’autre, pour échapper à une machine sans âme qui les broie.
Annonciatrices de révolutions plus ou moins silencieuses. Tant il est vrai que les « révolutions » prennent toujours des formes inédites et inconnues jusqu’alors.
Veritis.