Ce bon Dr Cahuzac ou Dr Jekkyl et Mr « Hide… » !
Publié le 19 Avril 2013
De ce Cahu, vous en avez en avaient ras le bol ! Comme je vous comprends ! Matin, midi et soir, les journaux, la télé, la radio nous bassinent les oreilles avec ce feuilleton médiatique que rien ne semble pouvoir arrêter. Dans cette espèce de story telling plein de rebondissements à répétition. Dans cet espace confiné où règnent des choses qui font, hélas, rarement bon ménage : l’argent, la politique et la morale.
Cela s’est passé sur BFM TV. Chaîne d’information en continu qui passe et repasse en boucle ses éditions et ses reportages. Qui ne manque pas de journalistes, d’interviewers et de chroniqueurs de talent, mais qui nous bassine les oreilles avec sa publicité tous les ¼ heures ou presque. « Le poids des mots et le choc des vidéos » donc pour paraphraser un hebdomadaire bien connu !
Nous avons eu droit à l’étonnante confession d’un homme : J. Cahuzac. Autant dire le buzz assuré ! De la part d’un homme qui nous a donné sa part de vérité, mais aussi sa part d’ombre, comme il l’a dit lui-même. Avec, semble-t-il, un certain accent de sincérité, faisant, peut-être, démentir le fameux adage « menteur d’un jour, menteur toujours ». Auquel, nous serions tentés de donner crédit, s’il n’avait pas roulé dans la farine, le Président, le Premier Ministre et la France entière.
Mais n’accablons pas le pêcheur, il est suffisamment accablé lui-même par le caractère réel et hautement symbolique de ses turpitudes.
Qui ne voit là, en effet, la nécessité pour lui de se reconstruire. De tourner la page. De reconquérir l’affection des siens. D’envisager à nouveau un avenir. Mais, qui ne voit là aussi, probablement, dans cet exercice médiatique - que le Premier Ministre a méchamment qualifié de pathétique - la patte d’un conseiller en communication ?
Prenons acte, pour s’en affliger, de ces nouvelles mœurs, assez courantes aux Etats-Unis, qui débarquent maintenant en Europe, avec un précédent célèbre, celui de D.S.K. venu confesser sa « faute morale » en prime time à TF1. Cousinage troublant quand on sait que J. Cahuzac faisait partie de l’écurie D.S.K. avant la fameuse affaire du Sofitel et utilise les mêmes conseillers en communication.
Mais revenons au Ca(s) Huzac. Non pour ce qu’il signifie à titre privé et individuel. Mais pour ce qu’il dit d’une certaine France et de certains milieux comme nous allons pouvoir l’établir aisément.
Car, il se trouve que, si je ne le connais pas personnellement, je connais bien, en revanche, la « part d’ombre » des milieux dans lesquels, il a pu évoluer. Je connais bien aussi la ville dont il était le député-maire et son milieu politique qui est, de longue date, un vrai panier de crabes. Mais n’est-ce pas là, me direz-vous, et hélas, le cadre habituel de nombreux microcosmes locaux ?...
Supposez maintenant que vous êtes un jeune garçon brillant, mnésique de surcroit. Vous effectuez de brillantes études de médecine qui vous permettent d’espérer un avenir non moins brillant de chirurgien digestif. Mais il se trouve que vous avez le « démon » de la politique et de l’influence. Vous rejoignez donc le cabinet d’un ministre de la santé du gouvernement Rocard (Oui, celui qui était le chantre de l’autogestion en Mai 68) à une époque, où il s’agissait, déjà, de serrer les boulons de la Sécurité sociale. Vous avez, alors, la haute main sur la tarification des médicaments remboursés par la Sécu et les relations avec les laboratoires pharmaceutiques. Je vous parle aussi d’un temps où le financement des partis politiques est largement peu réglementé…
Poste hautement respectable au service de la collectivité puisqu’il s’agit de lutter contre le fameux trou de la sécu. Mais poste sensible, également, pour lequel il faut témoigner d’une honnêteté irréprochable. Poste enviable aussi puisqu’il permet de se constituer un excellent carnet d’adresses.
Mais les plus anciens d’entre nous savent aussi que Mitterrand et Rocard se détestaient cordialement (on a beau être « socialistes », on n’en est pas moins hommes). Exit donc, le gouvernement Rocard et par ricochet le poste de J. Cahuzac. Ce dernier cherche alors un point de chute comme chef de service dans sa spécialité, mais en vain, le nombre de places étant limité et les coteries nombreuses…
C’est alors qu’il se reconvertit dans la chirurgie capillaire, beaucoup plus simple et surtout beaucoup plus lucrative. Mais aussi dans une activité de conseil auprès des labos pharmaceutiques, sûrement en raison de ses compétences mais certainement aussi grâce à un épais carnet d’adresses constitué du temps de ses fonctions à caractère public. Vous voyez bien ici, assez aisément, toutes les confusions qui peuvent découler d’un tel mélange des genres : le contact avec les milieux politiques d’abord par le biais d’un poste dit « technique » puis une activité à caractère privé directement liée à ce dernier.
C’est alors qu’il commet la légèreté coupable d’ouvrir un compte « à numéro » en Suisse, probablement pour héberger des revenus occultes et non déclarés, réalisés dans le cadre de l’une ou l’autre de ses activités. Hébergé à l’UBS d’abord, puis chez Reydl en Suisse d’abord puis à Singapour, quand la place suisse devenait moins sûre. On ne connaît pas l’ampleur des mouvements de sorte qu’il est assez difficile, aujourd’hui, de se prononcer sur l’ampleur de la fraude.
Mais le démon de la politique le rattrape. Il lui faut donc un ancrage local. Dans l’intervalle, il intègre une obédience maçonnique bien connue, le Grand Orient de France, ce qui peut aider à se faire élire et choisit une circonscription dans le Sud-Ouest, non loin de ses attaches familiales d’origine. Bref, il est élu, maire et député, et à ce titre siège sur les bancs de l’Assemblée nationale. Comme il est bûcheur et brillant, il se fait remarquer à la commission des finances, au point d’en devenir le Président, quand il s’est agi de remplacer D. Migaud, nommé par N. Sarkozy, comme Premier Président de la Cour des comptes.
C’est alors, que F. Hollande élu à la Présidence de la République le nomme au poste stratégique de Ministre Délégué au Budget où il se montre particulièrement coriace face à ses collègues et brillant dans ses interventions à l’Assemblée. Parcours flamboyant qui recèle pourtant un secret intérieur terrible, une faute de jeunesse, qui le rattrapera ce fameux jour où le ciel lui tombe sur la tête, avec les révélations de Mediapart.
Personnage bien réel devenu aujourd’hui comme un personnage de roman emblématique des mœurs d’une certaine époque où se combinent, souvent au-delà du raisonnable, les désirs d’argent, d’influence et de pouvoir. A un point tel que l’on en oublie, parfois, l’essentiel. Lequel se manifeste toujours, tôt ou tard, pour se rappeler à la conscience des hommes.
Voilà, me semble-t-il, les leçons que l’on peut tirer de cette histoire. Au-delà d’un homme. Comme un détonateur de ce qui n’est plus possible d’accepter aujourd’hui, notamment en matière de tricherie, mensonge ou mélange des genres, et qui, à ce titre, doit changer.
Le changement, c’est vraiment maintenant !
Veritis