Aulnay-sous-Bois devra assumer seule le coût financier de la dépollution de l’ancienne usine d’amiante
Publié le 2 Novembre 2015
C'est un épilogue financier qui laisse un goût amer aux associations des victimes de l'amiante. Le Comptoir des minéraux et matières premières (CMMP), l'industriel qui a broyé le minerai toxique de 1938 à 1975 à Aulnay-sous-Bois, en pleine ville, n'assumera pas le coût des travaux de dépollution de son ancienne usine.
Et ce, même si les broyeurs d'amiante du CMMP sont soupçonnés d'avoir rendu malades des dizaines de riverains.
Ainsi en ont décidé les juges de la deuxième chambre civile du tribunal de Paris qui viennent de rendre leur décision. En septembre dernier lors de l'audience, les magistrats se sont penchés sur la lourde facture du démantèlement de ce qu'on a appelé « l'usine-poison ».
Coût total de ce chantier, mené à partir de 2009 : plus de 9 M€. Or, le CMMP, qui avait vendu le site en 1999 à une société immobilière, n'en a pas payé un centime. Il s'était bien engagé à verser 478 400 €, dans le cadre d'un protocole d'accord signé avec la ville d'Aulnay, juste avant le début des travaux. Puis il a engagé cette procédure au civil, pour contester cette créance. Sur ce point, le tribunal lui donne tort, et lui ordonne de verser la somme promise.
Mais ce que nul ne pouvait prévoir en 2009, c'est que la facture serait aussi salée. La démolition des bâtiments a été menée sous bulle étanche, pour éviter la dispersion de fibres toxiques. Surtout, la découverte d'amiante dans les sous-sols a conduit la société d'économie mixte Deltaville, maître d'ouvrage, à excaver les terres et couler une dalle de béton sur toute la parcelle. C'est la ville d'Aulnay qui a supporté l'essentiel de ces dépenses (déboursant aussi 6 M€ pour le déménagement de l'école maternelle voisine). L'aide espérée de l'Etat n'est jamais venue. Seuls le département et la région ont versé quelques subventions.
La conclusion des magistrats peut sembler paradoxale : le CMMP a bel et bien commis une « faute », celle d'avoir laissé son usine à l'abandon au moins 17 ans (de sa fermeture en 1991 au début des travaux en 2009). Mais il n'aura pas à rembourser le coût de sa démolition.
Voilà qui soulage sa PDG Joëlle Briot, qui affirmait en septembre que son entreprise n'y survivrait pas. « On nous regarde de façon plus sévère aujourd'hui, parce qu'il y a eu un dossier pénal, estime-t-elle aujourd'hui. Mais à l'époque, nous étions de bonne foi. Au moment de la cessation d'activité, la préfecture nous avait dit : il vous reste à débarrasser des vieux transformateurs, un silo de vermiculite, une cuve de mazout. Nous avions fait des prélèvements d'amiante en surface. Nous n'avions rien trouvé. »
Le pollueur s'en tire à bon compte, affirme au contraire Me François Lafforgue, avocat des trois associations intervenant dans la procédure (Addeva, Aulnay environnement et Ban Asbestos) : « Le jugement nous est favorable en ce qu'il reconnaît les fautes du CMMP. Mais le tribunal n'en tire pas les conclusions qui s'imposent et n'envoie pas de signal fort. Les indemnités versées aux associations [NDLR : 1 € symbolique] sont très faibles alors qu'elles ont joué un rôle très important de lanceur d'alerte. »
Ces associations, qui ont recensé près de 140 victimes, malades ou défuntes, du CMMP, ont alerté durant des années sur la nocivité de cette usine, pour ses salariés et pour les habitants autour. Visé par 25 plaintes au pénal, le CMMP a finalement bénéficié d'un non-lieu en 2013. Une recherche inédite a toutefois été lancée l'an dernier par l'Agence régionale de santé (ARS) pour retrouver 13 000 anciens écoliers du quartier, susceptibles d'avoir inhalé des fibres d'amiante entre 1938 et 1975. Les parties ont deux mois pour faire appel.
Source : Le Parisien