60 ans après avoir fréquenté l’école du Bourg à Aulnay-sous-Bois Alain Cendra découvre qu’il a été contaminé par l’amiante
Publié le 12 Mai 2015
Il n’éprouve aucun symptôme alarmant. « Physiquement je me sens bien », assure Alain Cendra, posant un regard serein sur le parc verdoyant en contrebas de son appartement, dans le quartier de la gare d’Aulnay. Sans la lettre de l’Agence régionale de santé (ARS) reçue fin 2014, le septuagénaire n’aurait sans doute jamais passé ce scanner.
L’examen, pratiqué le 6 février à l’hôpital Ballanger, a révélé qu’Alain Cendra souffrait de plaques pleurales (NDLR : une pathologie liée à l’amiante). « Calcifiées, précise-t-il. A priori, elles ne sont pas dangereuses… » Alain Cendra fait partie de ces anciens écoliers d’Aulnay recherchés par l’ARS depuis fin 2014. Au total, 14 000 personnes environ ont fréquenté trois groupes scolaires proches de l’usine du Comptoir des minéraux et des matières premières (CMMP), à l’époque où celle-ci broyait de l’amiante. Elles sont donc susceptibles de développer, des décennies plus tard, des maladies liées à la fibre toxique.
Depuis cinq mois, une enquête inédite a été lancée, pour retrouver leurs adresses, leur écrire et les inviter à faire des examens. Un point d’information, tenu par les associations, accueille le public tous les jeudis à Aulnay (lire ci-dessous).Enfant, Alain a usé ses fonds de culotte sur les bancs de l’école du Bourg, de 1950 à 1954, non loin des ateliers de briques rouges aujourd’hui disparus. Par souci d’exactitude, il précise qu’il a peut-être aussi été exposé à l’amiante dans une usine du Bourget où il a travaillé quelques mois durant sa jeunesse. Le retraité a eu plus de chance que d’autres, aujourd’hui gravement malades. Ses lésions sont pour l’heure bénignes, et ne l’empêchent pas de jouer au golf, son sport favori. «Mais on m’a quand même conseillé de repasser un scanner d’ici quelques années, pour être sûr que les plaques n’évoluent pas », précise-t-il. Chose incroyable : jusqu’à l’an dernier, cet Aulnaysien de longue date n’imaginait pas qu’il avait été exposé à l’amiante étant enfant. Il a pourtant habité la commune jusqu’en 1975, et y est revenu après vingt-cinq ans passés à Drancy. Mais il n’a découvert l’existence de l’usine que sur le tard : « Enfant, je ne passais jamais dans ce quartier. Et puis, on en a peu entendu parler… jusqu’à sa démolition, vers 2009. Ce n’est que l’an dernier que ma soeur, après avoir lu un article, m’a dit : Tu es allé à l’école du Bourg, tu es concerné… Mais j’ai pris tout ça à la légère. »
Le 2 avril, il s’est rendu au centre municipal de santé pour rencontrer les bénévoles du point d’information. « Ils m’ont expliqué les démarches pour être indemnisé. Je vais le faire, il le faut. » Alain Cendra n’est pas en colère, mais surpris que l’information vienne aussi tard : « Les pouvoirs publics n’ont rien fait pendant des années. » Un souvenir le réconforte. Adolescent, il avait convaincu sa petite soeur de s’inscrire ailleurs qu’à l’école du Bourg, collée au CMMP. « Ça n’avait rien à voir avec l’amiante. Je trouvais simplement que c’était mal fréquenté ! » Sans le savoir, il a permis à la fillette d’échapper aux poussières toxiques qui s’échappaient alors de l’usine.
Source : Le Parisien