Sans papiers sans identité
Publié le 27 Avril 2011
Samedi dernier ou celui d'avant je sais plus, j'ai récupéré ma nouvelle carte d'identité. Pendant quelques semaines j'ai donc vécu avec un document périmé. Oh rien de grave. Au centre administratif on m'a indiqué que je pouvais voter aux cantonales, faire des chèques mais d'un montant minime, genre moins de 100 euros. Toutefois je ne pouvais pas quitter le territoire. C'est fou ce que ce morceau de plastique est contraignant.
En parlant de ça et en récupérant le précieux sésame j'ai eu un flash me projetant dix ans en arrière, une fin d'après-midi à Paris après une visite du quartier latin. En rentrant, au tourniquet du métro, un gars m'avait collé de près. Je croyais qu'il était juste pressé, mais en fait il en avait profité pour ouvrir la fermeture-éclair de mon sac à dos et s'emparer du portefeuille, pendant que les policiers gardaient les précieux sénateurs du palais du Luxembourg.
Belle moisson : carte vitale, carte d'identité, passeport, permis de conduire. La totale. Passées l'opposition aux cartes bancaires et la déclaration de vol au commissariat, je me suis mis alors en quête de nouveaux papiers. Quand j'ai appelé l'administration on m'a demandé si je n'avais pas un document quelconque prouvant mon identité ! J'ai expliqué que c'était précisément l'objet de mon appel : trouver un moyen de refaire mes papiers dérobés afin de redevenir un individu tout ce qu'il y a de plus normal.
L'espace d'un instant je me suis dit que sans ces fichus papiers je n'étais décidemment plus personne ! J'étais sur le point de filer en Normandie récupérer le livret de famille en vue d'obtenir un acte de naissance dans ce qui s'annonçait comme une sorte de parcours du combattant, lorsque mon portable a sonné. Aussi incroyable que cela puisse paraitre, mon portefeuille avait été retrouvé et une agence du Crédit Lyonnais de la rue Monge le tenait à ma disposition. Un vrai coup de bol !
J'ai ainsi remis la main sur l'intégralité de mes documents d'identité et comme par magie, à cet instant précis, jai eu l'impression étrange de redevenir quelqu'un...
Samedi, en revenant du centre administratif avec mon nouveau morceau de plastique, je me suis souvenu du livre de Dali Touré, Confidences... Voilà ce que l'on peut lire page 7 :
Sans papiers, sans identité
Quand ils entendent mon nom ou mon prénom, ils imaginent tout de suite que je suis une noire qui doit sans doute avoir une colonie d'enfants. C'est à chaque fois difficile pour moi car je n'existe pas en tant qu'individu pour eux... Les Français. Mais à présent, je suis une autre personne. Je n'ai jamais eu de papiers malgré les vingt années passées en France. Sans papiers, je n'ai pas d'identité. Si j'ai bien compris, en avoir une, en France, c'est avoir son nom, son prénom, sa photo et sa date de naissance sur un papier signé par le ministère ? Pourtant j'ai un nom : Traoré ; un prénom : Mariame ; une date de naissance : le 6 mars 1974 et j'ai des dizaines de photos de moi mais malgré cela, je n'ai quand même pas d'identité.
Il y a dix, avant le coup de fil du Crédit Lyonnais, c'est presque exactement ce que j'ai ressenti...
Stéphane Fleury