RER B Paris-Nord : six heures d’enfer pour 50 000 voyageurs
Publié le 9 Novembre 2012
Tout est parti d’une panne de caténaire sur la ligne B en Seine-et-Marne, avant-hier soir. Des incidents en chaîne ont paralysé toute la soirée le trafic du réseau de la gare du Nord qui voit transiter 500000 voyageurs chaque jour.
17h34 Une caténaire fond sur 10 cm de long près de Mitry-Claye (Seine-et-Marne). Le trafic est interrompu dans les deux sens sur cette branche de la ligne B.
18H00 Michel, conducteur de RER depuis quatorze ans, est bloqué entre Stade-de-France et Sevran. Idem un peu plus haut pour Emeline qui rentre chez elle en Seine-et-Marne depuis la gare du Nord. La SNCF active une cellule de crise.
18h10 La SNCF décide de continuer à faire partir des trains plutôt que de tout stopper en attendant un retour à la normale. « Les trains se sont entassés lamentablement, déplore Michel. La régulation était perdue. On a dû s’appeler entre conducteurs pour savoir si on pouvait avancer parce qu’on ne savait pas nous-mêmes ce qu’il se passait. »
18h14 A bord de trains bloqués, un signal d’alarme est tiré en Seine-et-Marne par des voyageurs impatients qui descendent sur les voies. Au cours de la soirée, dix autres signaux seront déclenchés. Le trafic est alors totalement interrompu sur le réseau Paris Nord (lignes B, D, H et K). « Sans cela, le trafic aurait pu reprendre moins d’une heure après l’incident de caténaire », assure le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier.
18h45 Dans le RER d’Emeline, à 100 m de la gare de Sevran, une jeune fille est prise de panique. Depuis trois quarts d’heure, les voyageurs y sont compressés, les esprits s’échauffent. Le conducteur finit par admettre qu’il ne sait pas quoi faire.
19h05 Emeline arrive enfin en gare de Sevran. Son père est venu la chercher en voiture pour les dix derniers kilomètres. Quinze minutes après, ceux qui prennent le train pour Mitry-Claye y resteront coincés deux heures et demie…
20h15 Francis monte à la gare du Nord pour rejoindre l’Oise. Au Bourget, il est bloqué. Il ne redémarrera que deux heures et demie plus tard.
20h35 Aux abords de La Plaine, « les gens commencent à paniquer et se disputent », témoigne Eric, débarqué à l’aéroport d’Orly. Des voyageurs tirent encore les signaux d’alarme pour rejoindre à pied la gare la plus proche.
21h00 Aux alentours du Blanc-Mesnil, François patiente debout depuis deux heures devant les WC d’un train bondé qui doit le mener à Crépy-en-Valois (Oise) et emprunte le même trajet que le RER B. « On se moquait du conducteur paniqué. Ça faisait dix fois qu’il nous disait qu’il n’avait pas d’informations, s’amuse le trentenaire. Certains cherchaient désespérément un coin pour fumer. »
21h06 Partie de la gare de Sarcelles-Saint-Brice (Val-d’Oise), Laurence, infirmière de 54 ans, est bloquée à Deuil-Montmagny puis à Epinay-Villetaneuse et enfin à Saint-Denis. Autour d’elle, les voyageurs se disputent. Elle arrivera chez elle (Paris Xe) à minuit et demi.
21h20 Bloquée entre Gare-du-Nord et Stade-de-France depuis une heure, Marie marche sur les voies. « J’ai parcouru 800 m dans le noir en quarante minutes. On a dû passer un pont, c’était très dangereux », témoigne la juriste. A Stade-de-France, deux conducteurs sont assaillis, mais eux non plus n’ont pas d’explications. A ce moment, près de 800 personnes sont sur les voies. Au pire de la crise, on compte 14 trains bloqués l’un derrière l’autre.
21h50 Eric est resté dans sa rame « avec les seniors et les bébés ». « Le conducteur est venu nous voir, il avait les yeux exorbités. Il nous a dit qu’il s’était fait agresser, soupire ce responsable formation. J’ai appelé le numéro d’urgence pour dire qu’il n’y avait pas d’eau pour les bébés, mais ils ne maîtrisaient rien. »
23h10 Des agents SNCF escortent les derniers voyageurs présents sur les voies vers les gares. Le trafic de la ligne D a repris depuis cinq minutes. Le redémarrage des autres lignes de trains de banlieue, des grandes lignes et des TGV s’étale de 23h30 à 0h15. Plus de 50000 voyageurs ont pâti de cet enchaînement d’incidents et de dysfonctionnements pendant six heures.
Source : Le Parisien Photo : AFP