PSA Aulnay-sous-Bois tourne toujours en attendant la fin…
Publié le 12 Décembre 2012
Malgré la fermeture du site PSA en 2014 et les suppressions de postes confirmées hier, les Citroën C3 continuent de sortir de l’usine. Voici l’ambiance décrite dans un article du journal Le Parisien paru ce matin.
Le matin, sous un ciel encore noir, sortir du bus, passer son badge au tourniquet, enfiler l’habit de travail au vestiaire et prendre son poste. Le rituel n’a pas changé à Aulnay-sous-Bois, même si les cœurs sont plus lourds. La rentrée de septembre devait être chaude à l’usine PSA, condamnée à la fermeture en 2014. Il y a bien eu quelques journées de mobilisation et de manifs. Ce sera encore le cas ce matin, à l’occasion d’une séance de négociations avec la direction. Mais le reste du temps, l’usine d’Aulnay (3000 salariés) tourne toujours.
« On n’est pas des casseurs »
« On veut montrer qu’on est des travailleurs, pas des casseurs », résume fièrement Frédéric, grand gaillard de 33 ans croisé aux portes de l’immense site industriel. Lui, qui a débuté ici à l’âge de 18 ans, avait coutume d’arriver avec une heure d’avance, pour « préparer le boulot ». « C’est fini maintenant, lâche-t-il entre ses dents. A quoi ça sert de mieux faire? » Frédéric a fait quelques jours de grève, mais il continue d’arriver à l’heure. Les Citroën C3 neuves sortent jour après jour de la ligne de montage et les trains chargés de voitures filent le long de l’autoroute A 1. La production a tout de même ralenti : 400 à 500 voitures contre 700 avant le 12 juillet. « Grève du zèle », grince la direction qui reconnaît pourtant que « la majorité des salariés est attentive à son savoir-faire, à son activité ». Dans le camp syndical, on pointe surtout ces moments, de plus en plus nombreux, où la direction fait arrêter la chaîne de montage « pour des raisons techniques ».
« Les chefs nous espionnent »
Les relations entre la base et la hiérarchie se sont tendues. « Dès qu’on est quatre ou cinq à discuter, on voit les chefs s’approcher pour nous espionner, alors on arrête de parler, même si c’était de la météo », confie Daniel, technicien de 56 ans. PSA assure que les procédures disciplinaires ont diminué depuis le 12 juillet. A entendre les salariés, les convocations pleuvent. Jean-Pierre, 59 ans, pas franchement syndicaliste dans l’âme, a reçu son courrier la semaine dernière. Il a eu « des mots » avec son chef. La faute au climat « stressant », glisse-t-il, l’œil inquiet derrière de fines lunettes : « Je ne suis pas tout jeune, j’essaie de terminer mon travail le plus honnêtement possible. Je n’ai jamais eu un avertissement de toute ma vie. Mais là, on nous met plus bas que terre. » Les responsables d’unité ont été invités par la direction à se déplacer « en binôme » pour éviter les incidents.
« Les salariés ont la rage »
Sporadiquement, la température monte. En novembre, un débrayage spontané a eu lieu à l’atelier de ferrage (où on assemble les pièces de la caisse, la structure de la voiture) contre des menaces de sanction pesant sur des salariés… La production a été paralysée durant deux jours, quelques dégradations ont été commises. « Pas par les ouvriers », assure la CGT. « Les salariés ont la rage », constate Ali, 51 ans, l’œil noir. Cet ancien adhérent de la CGT, puis de SUD, ne mâche pas ses mots à l’égard des délégués syndicaux : « Ils cavalent dans les couloirs des ministères et ça donne quoi? Ici, on est dans le flou. »
« Si le gouvernement n’est pas à nos côtés… »
Mais c’est surtout au gouvernement que les salariés en veulent. « Le quoi? Il est inexistant! » lâche Mathieu d’un ton définitif. Il y a quinze jours, c’est avec colère qu’une poignée de salariés accueillait le maire et député PS, Gérard Ségura, et Daniel Goldberg, en visite avec une délégation américaine : « Vous nous laissez tomber, accusait Mohamed, un jeune cariste. On a incité tous les gens qu’on connaissait à voter pour Hollande. A vous maintenant de nous défendre. Si le gouvernement n’est pas à nos côtés, qui le sera? »
« Pas question d’aller à Poissy »
Même quand le calme règne, l’inquiétude plane dans les ateliers déjà à moitié vides. « Plus le temps passe, plus les gens nous pressent de questions sur leur avenir », indique José, délégué CFDT. « On ne parle que de ça », ajoute Fabrice, 37 ans, dont treize d’ancienneté. David et Himmet, le grand et le petit, évoquent avec nostalgie le temps d’avant, « quand tout le monde rigolait. « Un peu comme dans une famille, assure David. Maintenant, on se demande ce qu’on va devenir. Même le week-end, quand tu veux te reposer, la tête travaille toute seule. »
Cela obsède aussi Rachid, père de famille de 35 ans. « Moi, je suis entré à Aulnay à 18 ans. Avant moi, c’est mon père qui travaillait ici! C’était le grand boulot de ma vie! Pas question d’aller à Poissy, alors que j’habite à Villeparisis (Seine-et-Marne). Je veux rester à Aulnay! »