Malgré la zone de sécurité prioritaire Saint-Ouen reste la proie des dealers
Publié le 24 Septembre 2014
Il y a deux ans, Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, lançait la première zone de sécurité prioritaire (ZSP) dans des quartiers gangrénés par la drogue comme à Saint-Ouen. Malgré les arrestations et les condamnations, le trafic est toujours présent. A noter que le Gros Saule à Aulnay-sous-Bois est aussi placé en ZSP. Certains se souviennent peut-être encore de la visite de Manuel Valls il y a 8 mois en pleine campagne municipale dans ce secteur de notre commune…
Les condamnations sont tombées comme un couperet : jusqu'à sept ans de prison, cinq années d'interdiction de séjour à Saint-Ouen et près de 300 000 € d'amende au total. Des sanctions allant au-delà des réquisitions du procureur, qui décrivaient des prévenus « vénéneux pour la ville ». Il y a deux semaines, quatorze hommes et une femme ont été jugés pendant trois jours devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour trafic de drogue en 2012 et 2013. C'était le « procès du Vieux Saint-Ouen » comme l'appellent les magistrats. Celui aussi de « petits » qui auraient « repris la Bastille » comme ils nommaient ce trafic juteux, qui rapportait 15 000 € par jour, soit 450 000 € par mois.
Coïncidence du calendrier, ce jugement du 12 septembre est arrivé deux ans presque jour pour jour après la création de la Zone de sécurité prioritaire (ZSP). Le 11 septembre 2012, Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur, lançait la première ZSP à Saint-Ouen, avec en ligne de mire ce trafic de cannabis qui mine la vie des habitants jusque dans leur quotidien et endeuille des familles au gré des règlements de comptes. Après les brigades spécialisées de terrain (BST), les périmètres de sécurité renforcée (PSR) et les CRS 24 heures sur 24 en 2011, place donc à la ZSP.
Exemplaires, les récentes condamnations sont, pour les policiers de Saint-Ouen, un encouragement à poursuivre la lutte contre ce trafic qui a tout d'un serpent de mer. Mais il suffit de circuler dans les rues pour constater que le trafic continue.
Gênez le trafic à un endroit, il réapparaîtra ailleurs
Au Vieux Saint-Ouen, les guetteurs sont toujours là. Moins visibles qu'en 2012, mais toujours aux aguets. Même dispositif de surveillance à la cité Cordon, où le veilleur est assis sur une chaise en plastique, au bord de la rue, face à l'entrée de la cité. Dans le quartier du 8-Mai-1945, pas une ruelle qui échappe à la vigilance des guetteurs. Et maintenant, même dans le quartier des Boute-en-Train, situé en plein coeur des Puces, on peut acheter de la drogue. Car Saint-Ouen n'échappe pas à l'effet « splash » : gênez le trafic à un endroit, il réapparaîtra ailleurs. Hors ZSP aussi, les dealeurs sont à l'oeuvre, au vu et au su de tous. Depuis deux ans, les douaniers mettent les acheteurs de cannabis à l'amende -- 60 à 120 € pour un détenteur d'après nos informations. Le nouveau maire (UDI), William Delannoy promet d'expulser les locataires qui prêteraient leur logement au trafic, les policiers se mettent en quatre, la justice condamne... Mais les CRS se font rares, et le commissariat, d'après nos informations toujours, a perdu des policiers : quinze en moins depuis un an. Alors, où est la priorité ?
« La ZSP, on n'y croit plus », lâche, résigné, Manuel*, qui vit au Vieux Saint-Ouen et que nous avions interrogé à la naissance de ce dispositif. Comme Karim*, Chloée*, Amandine* et Yvette*, Manuel avait accepté en octobre 2012 de tenir, avec nous, pendant cinq jours, un journal de bord un peu particulier. Celui d'habitants, parents ou non, avec ou sans profession, qui voient, côtoient, subissent les allées et venues d'acheteurs de cannabis, et les règles imposées dans leur immeuble ou leurs rues par les trafiquants de drogue. Deux ans plus tard, nous avons voulu leur redonner la parole pour savoir comment ils ont vécu ces deux années. Exaspérée par le trafic, Amandine a fini par quitter la cité Cordon pour un autre quartier de Saint-Ouen. Chloée, qui, en 2012, envisageait de partir, n'a pu être jointe. Manuel, Karim et Yvette vivent, eux, toujours à la même adresse.
* Les prénoms ont été changés.
Source article : Le Parisien / Vidéo : Aulnaylibre !