Le micmac des contrats aidés en Seine-Saint-Denis !
Publié le 9 Février 2014
Une entreprise privée qui devait coacher de jeunes chômeurs est soupçonnée d’avoir créé de faux documents.
C'était une mesure destinée à rattraper par la main ces jeunes les plus éloignés de l'emploi dans les zones urbaines sensibles. Créés en 2008, les contrats d'autonomie constituaient l'une des grandes mesures du plan Espoir banlieues, défendu par la secrétaire d'Etat Fadela Amara.
Les moins de 26 ans pouvaient toucher une bourse de 300 EUR par mois pendant six mois et bénéficier d'un coaching, essentiellement assuré par des cabinets privés. Six ans plus tard, l'espoir s'est essoufflé, notamment en Seine-Saint-Denis. En cause : les méthodes du cabinet privé de placement C3 Consultants, aujourd'hui seul à gérer le dispositif dans le département.
Selon un rapport, non définitif, de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) révélé par « le Monde », des irrégularités ont été constatées dans 40 % des dossiers débouchant sur une embauche ou une formation. Le doute plane autour des attestations d'embauche fournies alors qu'une part de la rémunération de la société dépend du nombre d'embauches. D'autres dossiers douteux ont été transmis à la justice, portant par dizaines une adresse ou une date de naissance rigoureusement identiques...
Un cahier des charges ambigu
L'affaire n'étonne guère Pierre Mouget, directeur de la mission locale intercommunale de la Dhuys (Clichy-sous-Bois et Montfermeil), qui se souvient de conseillers « très sûrs d'eux, débarquant dans des quartiers qu'ils ne connaissaient absolument pas en jouant les gros bras ». « Ça ne s'est pas bien passé, et ils ont fini par se contenter de distribuer des flyers tôt le matin dans les boîtes aux lettres. »
Cette affaire met en lumière le flou qui a entouré les contrats d'autonomie. « Il y avait une forme d'ambiguïté dans le cahier des charges. Pour justifier d'une embauche, une attestation signée par le jeune lui-même ou son conseiller peut être jugée suffisante. Une attestation de déclaration auprès de l'Urssaf n'est pas exigée », détaille ainsi Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, chargée du suivi de ce dossier (qui n'était pas en poste au moment où la mesure a été lancée). Un temps suspendu par le ministère du Travail, le contrat avec C3 Consultants, société qui s'est déclarée en cessation de paiement, a finalement été maintenu. L'Etat s'est contenté de retenir la somme de 2 MEUR (sur un marché de 22 MEUR). La société a refusé de répondre à nos questions.
Alors que la mesure expire fin 2014, le coaching privé n'aura donc pas eu d'effet miracle en banlieue. Au 29 janvier, on dénombrait 2 700 contrats signés dans 6 villes (Aulnay, Montreuil, Saint-Denis, Tremblay, Clichy-Montfermeil). A leur sortie du dispositif, 51,2 % des jeunes avaient trouvé un emploi ou une formation. Mais au terme d'une troisième phase d'accompagnement, seuls 688 étaient encore en activité. La proportion de bilans positifs tombe à 27 %.
Source : Le Parisien