Le conseil général du 93 donne un coup de pouce fiscal aux librairies indépendantes comme Folies d’encre à Aulnay-sous-Bois
Publié le 18 Septembre 2014
C'est une décision qui va sans doute permettre à Isabelle Tingry de souffler un peu. Lors de sa séance de rentrée, ce matin, le conseil général va exempter sa librairie « les Mots Passants » à Aubervilliers, de la part départementale de la CET, la contribution économique territoriale qui a remplacé la taxe professionnelle. Au total, les sept librairies de Seine-Saint-Denis, labellisées LIR (librairies indépendantes de référence), vont bénéficier de ce coup de pouce. Cette décision, certes symbolique, donne une véritable bouffée d'oxygène à ces passionnés qui survivent tant bien que mal.
Ce geste fiscal, Isabelle en a besoin. « Cela me permet d'arriver à l'équilibre en fin d'année. Je ne peux plus rogner sur les salaires. » Après 33 ans de métier, elle se verse de 1 300 € par mois pour plus de 45 heures de travail hebdomadaire. La rentabilité est particulièrement faible puisque sur un livre vendu 20 €, la gérante ne touche qu'1 €. Alors les 2 000 € économisés en impôts, grâce à cette mesure, c'est autant qu'elle peut investir dans sa librairie. « Nous sommes dans le quartier de la mairie depuis 13 ans mais il faut le reconnaître, on survit plus qu'autre chose. Beaucoup de boutiques ont fermé leur porte, des commerces communautaires se sont installés, bref, c'est compliqué. » Mais Isabelle s'accroche. « J'adore mon métier. Nous avons décroché le label car nous créons de l'animation dans le quartier à travers des rencontres avec des écrivains, des soirées lecture, bref, on fait du lien social, indispensable aujourd'hui. »
Grâce à un noyau de fidèles, elle réalise, bon an mal an, un chiffre d'affaire à peu près stable. Outre le conseil général, elle est aussi aidée par la communauté d'agglomération Plaine Commune qui exonère aussi les librairies de la CET et par la mairie qui lui loue des locaux à un prix très modique. Mais cela ne suffit pas. C'est pourquoi, les librairies du département se serrent les coudes. « On travaille ensemble, on organise des évènements en commun, on se dépanne en cas de problème, tout le monde se connaît, c'est un petit monde. » Malgré les difficultés, Isabelle envisage l'avenir avec un certain optimisme.
Le point de vue de Jacques Etienne Ully pour la librairie Folies d’encre à Aulnay-sous-Bois : « les mairies aussi doivent nous aider ».
Jacques-Etienne Ully, président de l'association « Librairie 93 », qui regroupe onze librairies sur les dix-sept que compte le département, suit de très près ces questions de taxes. « Beaucoup de librairies qui viennent d'ouvrir sont dans des situations très fragiles donc tout coup de pouce est le bienvenu », analyse-t-il. Et le propriétaire de la librairie d'Aulnay va plus loin. « Les mairies doivent nous aider en renonçant à leur tour à cette taxe, martèle-t-il. Les libraires sont un peu devenus comme les vendeurs de vinyles c'est-à-dire des passionnés qui conseillent, qui ne comptent pas leurs heures et qui, finalement, sont des représentants d'une certaine philosophie de vie. »
Un argument qui recoupe celui de Stéphane Troussel, président PS du conseil général. « Ces commerces sont des lieux d'échange, de découvertes, de curiosités, indispensables à une vie de quartier, insiste-t-il. En outre, cette exemption ne crée pas non plus un manque à gagner important pour les finances du département. » Timothée Groleau, gérant d'une librairie au Pré-Saint-Gervais, espère obtenir cette aide fiscale. Mais pour cela, il faudra décrocher le fameux label LIR. « Ça fait trois ans que je le demande mais j'attends toujours, regrette-t-il. J'espère l'avoir cette année car, outre le bonus financier, ce label permet de mieux négocier les prix avec les distributeurs. »
Source : Le Parisien