Le Billet de Veritis : Spécial Marchés publics et Commission d’appels d’offres.
Publié le 25 Mars 2011
Quel est le rôle d’une Commission d’appels d’offres ?
Elle est chargée d’examiner les dossiers présentés par des entreprises à la suite des appels d’offres lancés par une collectivité territoriale afin que des travaux, fournitures ou services soient exécutés au bénéfice de ladite collectivité.
Elle réunit les élus siégeant dans cette commission et statuant sur les dossiers présentés par les services. Des représentants de l’Etat (DGCCRF, Trésor public) figurent, en outre, lors des réunions de cette commission.
Comment se font les attributions ?
Elles se font sur la base de notes répondant à des critères qualitatifs et quantitatifs d’appréciation des dossiers. Parmi les critères quantitatifs figure bien évidemment le prix, critère déterminant, mais pas le seul puisqu’il faut également examiner la fiabilité, la qualité, la célérité, la réputation, le respect des normes environnementales ou sociales par le fournisseur, etc. Bref, toute un série de critères répondant au cahier des charges.
En fonction des marchés, le prix peut représenter 30 %, 50% ou plus de la note attribuée à l’entreprise, le reste notant les autres aspects.
Cela pose un triple problème :
1. Comment sont attribués les pourcentages en question ?
2. Quelle est l’échelle de notation retenue concernant les prix ?
3. Comment sont notés les aspects qualitatifs et quantitatifs autres que le prix ?
. Concernant ces fameux pourcentages
Il n’est pas douteux que, sauf à ce qu’une entreprise pratique une politique de dumping, le critère du prix est un élément important d’appréciation, car au final, l’ensemble de ces marchés représentent des sommes considérables.
Ainsi un glissement de 5 ou 10 %, voire plus, peut représenter, par exemple sur une mandature, des sommes qui se chiffrent en dizaines de millions d’euros. Cela n’est pas indifférent pour les finances publiques et nos feuilles d’impôts…
Le pourcentage que représente le prix dans la note finale n’est donc pas indifférent sur l’appréciation globale de la proposition. Reste à connaître de façon précise la façon dont ce pourcentage est attribué.
. Concernant la notation des prix
Comment se fait l’appréciation relative de tel ou tel prix par rapport au prix le plus bas qui, en principe, reçoit la note maximale ? S’agit-il d’une règle de trois ? Si oui, est-on bien sûr de la fiabilité des calculs ? Ou bien est-ce une autre règle ? Et si oui, pour quelles raisons ?
. Concernant les autres critères
Rappelons l’importance des notes attribuées à ces critères (plus ou moins 50 %).
S’agissant d’une appréciation multicritères, il faut d’abord vérifier l’appréciation correcte du poids de chacun de ces critères.
De plus, les données sur lesquelles ces critères sont appréciés doivent être d’une fiabilité irréprochable. Or est-on bien sûr que les services se livrent aux contrôles nécessaires en la matière ? Est-on bien sûr que les élus s’assurent eux-mêmes de l’existence et de la qualité de ces contrôles et donc de la fiabilité des informations fournies ?
Imaginez par exemple que certains critères déterminants soient fondés sur des informations fausses et vous auriez alors un risque certain de biais dans la notation. Par voie de conséquence l’attribution du marché en serait faussée.
Prenons maintenant un exemple concret :
Imaginez une entreprise A et une entreprise B en compétition.
Imaginez que le prix entre pour 50 % dans la note, les 50% restants étant réservés aux autres critères.
- Supposons maintenant que l’entreprise A propose un prix de X et l’entreprise B un prix de Z = X+Y. Supposons alors que Y= 20 % de X. Nous avons donc Z = X + 2O% de X ou encore Z = 1,2 X ou X= 0, 833 Z
Donc si vous suivez une règle de trois, vous auriez, par exemple, pour la note de prix (sur 10) :
- Entreprise A (la moins chère) : 10
- Entreprise B (la plus chère) : 8, 33
Maintenant si vous trouviez dans le dossier d’examen de l’entreprise B, une note donnée par les services égale à 9 au lieu de 8, 33, vous vous demanderiez alors, en tant que membre de la commission : d’où vient cette différence ? Surtout si cet écart devenait décisif pour l’attribution de la note totale et donc du marché.
Supposons maintenant qu’au vu des autres critères, vous ayez les notes suivantes :
- Entreprise A (la moins appréciée) : 8, 5
- Entreprise B (la plus appréciée ) : 10
Vous aurez alors la note globale suivante :
- Entreprise A : 1O + 8, 5 = 18, 5
- Entreprise B : 9+ 10 = 19 (9 et non pas 8, 33)
Et donc, l’entreprise B aurait été retenue, bien qu’elle pèse pour 20 % de plus dans le budget de la Ville !
Maintenant si vous aviez appliqué une simple règle de trois, vous auriez eu :
- Entreprise A : 1O + 8, 5 = 18, 5
- Entreprise B : 8, 33 + 10 = 18, 33
Dans ce cas, l’entreprise A aurait été retenue et vous auriez économisé 16, 66 % sur le budget de la Ville ! Une paille !
Comme vous le voyez, dans l’exemple ci-dessus, en fonction des notes attribuées c’est l’entreprise A ou l’entreprise B qui est retenue. Sans que l’on soit bien sûr de la fiabilité des calculs et des critères retenus. Imaginez de plus, que les données sur lesquelles s’appuient ces critères ne soient pas exemptes de tout reproche !
Vous me direz peut-être que cet exemple est théorique. Pas si sûr.
Vous me direz aussi que des écarts aussi faibles, ça ne va pas chercher bien loin. Cela montre que vous ne connaissez pas l’ampleur des budgets des collectivités locales.
Vous me direz enfin que l’erreur est humaine et qu’il n’est pas possible de tout contrôler. Raison de plus pour que les calculs et les règles soient inattaquables.
Que retenir de tout cela ?
1. Qu’une véritable transparence et impartialité doivent présider aux règles et aux décisions d’attribution des marchés publics.
2. Que les services doivent prendre soin de vérifier que les données qui leur sont fournies sont exactes, afin que l’attribution d’un marché ne soit pas faussée.
3. Que le rôle d’une commission d’appels d’offres ne doit pas être celui d’une simple chambre d’enregistrement des aspects formels d’un dossier.
4. Qu’il en va de même, me semble-t-il, pour le représentant de la DGCCRF.
5. Que l’on doit être sûr, notamment dans le cadre des marchés de travaux, que les entreprises qui soumissionnent ne se sont pas concertées afin que la règle d’une concurrence non faussée soit bien respectée.
6. Que les lois sociales doivent bien évidemment être respectées par l’entreprise attributaire d’un marché.
7. Que les sommes en jeu sont considérables puisque les budgets d’investissement d’une collectivité territoriale peuvent représenter des dizaines voire des centaines de millions d’euros, soit au total pour un pays comme la France des sommes atteignant des dizaines de milliards d’euros.
8. Qu’un accent tout particulier doit être mis sur une saine gestion des finances territoriales dans un contexte de finances publiques que tout le monde sait difficile quelle que soit la politique fiscale menée au niveau de l’Etat.
9. Que la probité des personnes qui sont détentrices d’une autorité publique doit être sans faille et que, donc, toute fraude éventuelle de quelque nature que ce soit doit être impitoyablement sanctionné.
Pourquoi un tel billet ?
Tout simplement parce que les électeurs en élisant leurs élus au sein des collectivités territoriales leur donneront aussi un mandat afin de gérer, pour leur compte, des budgets très importants. Et qu’à ce titre, ils sont en droit d’attendre d’eux des comportements irréprochables et l’utilisation optimale des deniers qui leur sont confiés.