L'Odyssée des cantonales (42) : la Seine-Saint-Denis dans le piège des emprunts toxiques (3/4)

Publié le 25 Mars 2011

Le 24 janvier dernier, le taux d'intérêt sur un prêt de 10 millions d'euros consenti à la Seine-Saint-Denis est passé de 1,42 % à 24 %. La bombe à retardement des emprunts toxiques s'est enclenchée  et menace le département d'énormes pertes potentielles.

 Tout commence par le meilleur...

Mais pourquoi donc avoir foncé tête baissée dans des formules aussi hasardeuses ? Parce qu'elles sont un rien perverses : tout commence par le meilleur, le pire n'arrivant - éventuellement- que plus tard. L'option sur indices combinée au prêt "fonctionne comme une assurance à rebours", explique l'avocat Michel Klopfer : "La banque verse une prime abaissant artificiellement le taux d'intérêt du prêt des deux ou trois premières années. C'est la période de "tarte aux fraises" durant laquelle la collectivité locale paie des intérêts à un taux inférieur au marché." On entre ensuite, et pour le reste de la vie du prêt, dans la zone de tous les dangers, car c'est la collectivité qui porte le risque en cas d'évolution défavorable des marchés, "et ce sans aucun plafond".

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"Avec la fin de la période de taux bonifié, le 24 janvier, on est entré dans le dur, confirme Philippe Yvin. Notre emprunt est désormais soumis aux aléas de la variation de cours entre le dollar et le franc suisse, et on peut passer d'un coefficient de 1 à 10 en termes de remboursement." D'autres vont suivre en 2011 et 2012, qui "dépendront eux aussi des décisions monétaires de la Fed américaine ou de la Banque centrale européenne", soupire Claude Bartolone.

La crise financière mondiale et ses bouleversements sont, de fait, passés par là et, à l'heure des comptes, des procès d'intention et des recours judiciaires, chacun pointe les responsabilités. Celle des clients, d'abord. Ces taux à 0,5 % ou 1 %, contre 3 % - 3,5 % sur le marché, ont fasciné les trésoriers des collectivités locales. Ils ont été crédules. "Il était facile pour les banques de les convaincre qu'ils allaient passer pour des génies de la finance aux yeux de leurs élus. Les collectivités empruntaient pour une charge d'intérêt égale et pouvaient construire leurs ronds-points sans augmenter les impôts. Elles découvraient "la nouvelle finance" en pensant que les banques allaient gérer tous les risques. Pour les gestionnaires, c'était une drogue douce. Ils y sont allés à fond, et en klaxonnant !", explique une vieille routière des finances publiques.

Celles des banques, ensuite. Elles renvoient les collectivités locales à leurs "effectifs importants" et à une "chaîne de décision et délibération" synonymes de ressources en termes d'appréciation des risques, tout en leur rappelant "qu'elles ont payé durant des années des taux d'intérêt ridicules". Mais elles n'échappent pas au pilori. A l'époque, le marché débordait de liquidités et était devenu peu rentable. C'est à ce moment qu'elles ont adopté une "démarche industrielle" pour attaquer les collectivités locales avec ces produits opaques associés à de juteuses commissions de gestion, résume un financier.

Parmi elles, Dexia - 40 % environ du marché des collectivités locales et dont l'Etat français est l'actionnaire principal - est certainement la plus visée. Héritière directe de la Caisse des Dépôts et du Crédit Local de France, son image très "service public" a visiblement contribué à nourrir la confiance de ses clients face à une complexité qu'ils ne maîtrisaient pas, témoignent nombre d'entre eux.

A suivre épisode 4 : l'Etat mal à l'aise sur la question...

Source : Daniel Bastien Les Echos du 21/02/2010

Rédigé par Aulnaylibre !

Publié dans #L'Odyssée des cantonales

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