Le Billet de Veritis : de l’art moderne dans le monde arabe….
Publié le 27 Décembre 2010
A contre-courant des idées reçues, il y a parfois des manifestations qui nous laissent espérer une évolution intelligente de l’humanité. C’est la raison pour laquelle je voudrais relayer ici la lecture d’un article du journal Le Monde des 19 et 20 décembre 2010 que l’on doit à Harry Bellet.
Le 15 décembre dernier, le Mathaf, Musée arabe d’art moderne, dessiné par le Français Jean-François Bodin, a été inauguré à Doha, la capitale du Qatar. Le mot Mathaf signifie d’ailleurs musée en arabe.
Ce musée est le résultat de l’ambition d’un homme, Cheikh Hassan bin Mohammed bin Ali Al-Thani, lui-même artiste et vice-président du Qatar Museum Authority, qui collectionne depuis vingt ans les œuvres des créateurs du monde arabe.
Tradition, modernité et ouverture internationale : tel semble être le triptyque qui donne le ton à ce musée.
On note ainsi dans cette exposition un tableau du syrien Louay Kayyali (1934-1978), peint en 1961, où une jeune femme allaite son enfant. Le sein est vu de profil, assez stylisé, pas de quoi outrager même une ligue de vertu occidentale, mais surprenant dans le contexte pudibond des émirats. Pudibond mais pas intolérant….
Il leur arrive même de se moquer de leurs petits travers, comme dans ce tableau de Faisal Laibi (né en 1947), qui représente une épouse agenouillée aux pieds de son mari, lequel fume tranquillement le narguilé tandis qu’elle lui ôte ses chaussures : l’œuvre est intitulée Relationship !
Interrogée par CNN, la jeune directrice du lieu, Wassan Al-Khudairi, âgée de 30 ans, admet que le Mathaf doit contribuer à faire reculer les frontières de ce qui semble acceptable dans la région. On en trouvera un exemple frappant avec une vidéo d’Adel Abidin (né en 1973), qui montre une blonde volcanique, pulpeuse et fort peu habillée, chantant sur la scène d’un cabaret et dans l’intimité de sa loge.
Pourquoi tout cela est-il réjouissant ?
1. Nous avions déjà en France, des esprits brillants et érudits, tel Malek Chebel qui prône un « islam des lumières », c’est-à-dire un islam qui renonce à sa part obscure pour mieux exhaler sa face lumineuse. L’islam dont il parle est celui du partage : « Celui qui amène au monde l’algèbre, l’arithmétique, la parfumerie, une gastronomie brillante, une musique, une maison de la sagesse et qui s’occupe de cosmologie. Fondé sur la raison, l’échange et le travail, l’échange et le respect d’autrui. »
2. Malek Chebel dans une autre partie de son œuvre (Encyclopédie de l’amour en Islam, Payot, 1995 ; Psychanalyse des « Mille et Une nuits », Payot, 1996 ; Dictionnaire amoureux de l’Islam, Plon, 2004 ; le Kama-sutra arabe, Pauvert, 2006 ; Dictionnaire amoureux des Mille et une nuits, Plon, 2010) lève le voile sur la culture propre à l’islam, sous l’aspect de la vie érotique, des rapports entre les sexes, des arts et autres raffinements de la culture orientale qui ont fasciné l’Occident depuis la découverte de l’Orient.
3. Nous savons, notamment depuis W. Reich que tout ce que l’on refoule le plus est cela même qui rejaillit avec une force sauvage. Ainsi la haine de la chair a pour corollaire celle de l’esprit, marque de tous les fondamentalismes guerriers qui reposent sur une conception dualiste de l’humanité : d’un côté « les bons », de l’autre « les méchants » ; d’un côté « les purs », de l’autre « les impurs ».
4. L’art et la culture apparaissent une fois de plus comme des antidotes saisissants face à la violence, l’obscurantisme et le fanatisme. C’est la raison pour laquelle on ne peut que se réjouir d’une telle initiative. Un Occident imbécile a pu mettre en valeur, pour des raisons mercantiles, une pornographie, heureusement en déclin aujourd’hui. Réjouissons-nous alors qu’un érotisme véritable et artistique puisse fleurir, dans le droit fil de traditions millénaires, en de nombreux points de la planète.
Veritis.