Le Billet de Veritis
Publié le 14 Décembre 2010
De la justice et de la police….
Notre ville pâtit d’une image de marque encore difficile dont elle s’emploie à résorber les effets grâce à des actions pédagogiques et des témoignages de réussite, notamment dans le domaine du sport et de la culture. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons que déplorer des faits récents ayant terni la réputation d’un corps de fonctionnaires chargé de protéger notre sécurité et qui se sont traduits par des décisions de justice en première instance ayant alimenté une polémique aux plus hauts niveaux de l’Etat.
Le métier de policier n’est pas un métier facile particulièrement dans les zones dites « sensibles ». Cela exige du courage, du sang-froid, de la retenue et un sens de l’à propos à toute épreuve. Cela nécessite aussi une conception exigeante de son métier, une éthique sans faille, un discernement réel. Puisqu’on représente l’Etat et la force, tout n’est pas permis. Il y a des règles, des procédures à respecter.
En même temps dans le feu de l’action, la pression n’est pas mince, le risque n’est pas absent, de sorte que des dérapages, heureusement assez peu fréquents, peuvent survenir. Quelles que soient les circonstances, de tels dérapages ne peuvent être tolérés dans un Etat de droit.
Reprenons les faits :
« Le 9 septembre dernier, une course-poursuite s’installe entre la police et une voiture signalée volée. Un policier est blessé à la jambe. Par le délinquant chassé ? C’est ce que veulent faire croire les fonctionnaires alors qu’en réalité c’est un deuxième véhicule de police qui a heurté le policier. Saisie par le préfet de la Seine-Saint-Denis, l’IGS (Inspection Générale des Services) ne tarde pas à confondre les policiers qui n’avaient pas hésité à faire risquer les assises à un individu, certes connu pour vol et trafic de drogue mais non responsable de la blessure du policier. »
Lors du procès, début novembre, le procureur avait requis des peines de trois à six mois de prison avec sursis, pour les sept fonctionnaires de police âgés de 23 à 32 ans, pour les motifs suivants : « dénonciations calomnieuses », « faux en écriture publique » et, pour trois d’entre eux « violence aggravée ».
Or, le 10 décembre dernier, le Tribunal correctionnel de Bobigny a condamné ces policiers à des peines de prison ferme : trois à 12 mois (ceux qui se sont rendus coupables de violences aggravées), un à 9 mois, un autre à 7 mois et deux à 6 mois.
C’est, à priori, la première fois qu’un jugement aussi sévère a été prononcé, pour ce type de délits, s’agissant de policiers dans l’exercice de leur fonction. Compte tenu de la sévérité des peines, le parquet a fait appel. Cependant, si ces sanctions étaient confirmées cinq d’entre eux seraient radiés des effectifs de la police.
Quelles ont été les réactions ?
1. Peu après l’énoncé du jugement, des dizaines de policiers de Seine-Saint-Denis, se sont rassemblés au pied du Palais de justice et ont fait retentir les sirènes d’une quinzaine de voitures de police.
2. Le secrétaire départemental adjoint du syndicat Alliance a déclaré : « On est scandalisé par ce jugement. Pour nous c’est une atteinte au métier de policier ». Le secrétaire général de ce même syndicat a lui-même indiqué : « Les policiers ont reconnu la faute commise et nous ne comprenons pas, d’autant que des multi récidivistes dans ce tribunal et ailleurs, ne sont pas eux, condamnés comme il se doit ou remis en liberté ».
3. Les journaux télévisés de TF1, France 2 et France 3, ont relayé cette manifestation en lui donnant donc un retentissement national.
4. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a demandé aux policiers rassemblés de cesser leur manifestation, une faute indéniable ayant été commise. Pour autant il s’est déclaré « très étonné de la décision du tribunal ».
5. Le ministre de l’Intérieur s’est exprimé sur cette affaire dans les termes suivants :
« Sans naturellement méconnaître la nature des faits qui ont été reprochés aux policiers, ce jugement dans la mesure où il condamne chacun des sept fonctionnaires à une peine de prison ferme peut légitimement apparaître, aux yeux des forces de sécurité, comme disproportionné. Notre société ne doit pas se tromper de cible : ce sont les délinquants et les criminels qu’il faut mettre hors d’état de nuire ».
6. Le ministre de la Justice lui a répondu en ces termes :
« A Bobigny, la justice a fonctionné, la procédure suit son cours. Des faits que tous les prévenus ne contestent pas d’ailleurs, ont été commis. Ces personnes ont été convoquées devant le tribunal correctionnel. Le parquet a requis des peines avec sursis. Le tribunal a jugé différemment et le parquet a fait appel. Il appartient désormais à la cour d’appel de se prononcer. C’est ainsi que la justice fonctionne. »
Que penser donc de tout cela ?
1. Nous vivons en France dans un Etat de droit, caractérisé par une séparation des pouvoirs, notamment entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Traditionnellement un ministre se refuse donc à commenter toute décision de justice. On ne peut donc que s’étonner des propos du Ministre de l’Intérieur, même s’il réagit à l’émoi compréhensible des policiers.
2. Les policiers recrutés sur la base d’un concours national doivent bien commencer leur carrière quelque part, mais il est frappant de constater le jeune âge des policiers mis en cause. A l’instar des jeunes professeurs, les premières affectations de policiers se font souvent dans des villes « difficiles ». On pourrait donc souhaiter qu’une gestion plus équilibrée des affectations fasse que les jeunes policiers soient sérieusement encadrés par leurs aînés.
3. La justice n’est pas non plus exempte de tout reproche. Ainsi en comparant les agissements de ces policiers à ceux de la gestapo, le substitut du procureur de Bobigny a tenu des propos que l’on pourra qualifier d’excessifs. Je ne reviendrai pas non plus sur cette fameuse affaire d’Outreau, où toute une chaine judiciaire, bernée par une affabulatrice, s’est avérée défaillante et n’a pas hésité à jeter des innocents en prison. A contrario, certains fonctionnaires de police ont du mal à comprendre que certains tribunaux relâchent un peu vite, parfois, des trafiquants de stupéfiant ou autres.
4. Il y a fort à parier que le tribunal de Bobigny a voulu, lui aussi, manifester un mouvement d’humeur en sanctionnant fortement des policiers qui ont manifestement fauté. Comme une sorte de coup de semonce ou d’avertissement en rappelant à ces policiers que la noblesse de leur métier implique de leur part un comportement adéquat et exempt de tout reproche. Dés lors cet avertissement ayant servi de leçon, le jugement de la Cour d’appel devrait certainement être plus clément.
5. Notre pays a besoin d’une justice indépendante et sereine et d’une police efficace et protectrice des citoyens. La police sans la justice peut devenir aveugle. La justice sans la police ne peut pas fonctionner. Raison de plus pour retrouver les chemins d’une police et d’une justice exemplaires pour tous les citoyens. Mais comme en toutes choses, l’exemple doit venir d’en haut.
Veritis.
Sources :
- Le Journal du dimanche, 12 décembre 2010
- Le Parisien.fr
- Le Figaro.fr
- Le Nouvel Obs.com