Le Billet de Veritis
Publié le 17 Novembre 2010
De la Démocratie Participative…
A l’heure où on parle beaucoup de démocratie participative à Aulnay-sous-Bois, je ne résiste pas au plaisir de partager avec les lecteurs d’Aulnay Libre une bien savoureuse lecture d’un entretien avec P.Rosanvallon paru dans le Monde du 21 septembre 2010.
Directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, P. Rosanvallon est professeur d’histoire moderne et contemporaine au Collège de France. Créateur de la Fondation Saint-Simon(1982-1999), il a fondé en 2002 un nouveau laboratoire culturel, La République des idées, plutôt classé à gauche. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont « La Contre-Démocratie. La Politique à l’âge de la défiance » (Seuil, 2006) et « La légitimité démocratique » (Seuil, 2008).
Bien que la nature de son entretien porte davantage sur des phénomènes politiques à l’échelon national, il me semble toutefois qu’il peut parfaitement s’appliquer, mutatis mutandis, à l’échelle municipale… Je vous laisse seuls juges de la pertinence de ces propos et de son application éventuelle à une ville qui nous est chère….
Dans son entretien, P.Rosanvallon revient sur la dissociation entre légitimité des gouvernants et confiance des gouvernés. Pour lui, cette défiance s’est renforcée. Pour au moins deux raisons.
La première est « le jeu des personnalités … qui change de fond en comble l’exercice de la confiance, c’est-à-dire de la prévisibilité ».
La deuxième est « la dissociation entre une démocratie d’action et une démocratie d’élection ».
Puis il poursuit :
« Le but de la démocratie d’élection est de choisir une personne ou d’en chasser une autre, puisque les élections sont autant des « désélections » que des choix positifs. (…) Mais la démocratie d’action est d’un autre ordre. Elle doit employer un langage différent. Alors que la démocratie d’élection s’exprime sur le registre de la volonté et de la simplification, la démocratie d’action est au contraire confrontée à la complexité et à la contrainte ».
Et rajoute :
« La démocratie électorale met l’accent sur la personnalisation, l’incarnation et la simplification : c’est une démocratie polarisée. Au contraire, dans le cadre de la démocratie de décision ou de régulation, les choses sont tout à fait différentes. Pour qu’elle fonctionne bien, elle doit accepter la multiplication des instances de débat et de contrôle, assumer la complexité des problèmes et des interactions. »
Et encore :
« Le ressort de cette vision est que la démocratie signifie : « Puisque je suis élu, je suis la volonté générale » ce qui, lui, semble-t-il, est difficilement acceptable, car en démocratie, personne ne peut se prétendre seul propriétaire de l’intérêt public et incarner la volonté générale ».
Pour lui :
« Cette philosophie de la « démocratie » ne fait pas la distinction essentielle entre la légitimation des personnes par l’élection, d’ordre procédural, et la légitimation de leur action, d’ordre substantiel. L’élection donne une légitimité à gouverner sur la durée du mandat, mais elle se joue aussi sur le contenu des décisions. La légitimité n’est pas simplement de l’ordre d’un statut acquis une fois pour toutes, elle est une qualité qui doit s’éprouver en permanence ».
Et à propos des fameux slogans « Ma porte vous est ouverte » ou « Je suis à votre écoute » que faut-il en penser, lui demande-t-on ?
« Mais c’est de la communication. La porte est ouverte, mais ce n’est pas de la considération institutionnelle. C’est une stratégie d’enveloppement et de neutralisation. La démocratie, ce n’est pas simplement aspirer le pouvoir vers le sommet en espérant qu’il sera celui d’un jacobinisme bienveillant. Cela consiste au contraire à donner du pouvoir aux gens, à faire descendre le pouvoir, à le faire circuler dans la société. »
puis, il rajoute :
« Le monde moderne est d’ailleurs dans une contradiction : on y attend de plus en plus des individus qu’ils se prennent en charge eux-mêmes et qu’ils soient responsables dans tous les domaines, alors qu’en politique on assiste à une sorte de captation du pouvoir et à une déresponsabilisation des individus (« Faites-moi confiance, je m’occupe de tout !»)
ou encore :
« A chaque élection, les citoyens font provision d’espérances, mais en même temps la démocratie fonctionne de plus en plus à la défiance. Le citoyen essaie de récupérer par ces formes de contre-démocratie ce qu’il ne peut pas accomplir dans l’ordre politique. C’est un réflexe parfaitement sain, il faudrait en quelque sorte institutionnaliser la défiance, si cette défiance signifie que le citoyen ne veut pas faire de chèque en blanc. La démocratie n’est pas la légitimation du chèque en blanc
Voilà. Je vous laisse le soin de méditer de tels propos qui me semblent frappés au coin du bon sens.
Pour sûr, toute application à la vie municipale d’une commune de notre si Beau Pays ne saurait être que fortuite….
Veritis.