L'eusses-tu crue ?
Publié le 26 Janvier 2011
Ce qui suit sonne comme un film d'anticipation... Paris et l'Ile de France inondés... Le scénario catastrophe est déjà envisagé... En voici les principales lignes... Rendez-vous en 2014 !
Stéphane Fleury
L'Ile de France est-elle à l'abri d'une crue modèle 1910 ? Avec une hauteur de 8,62 mètres, c'est la deuxième plus importante connue après celle de 1658 (8,81 mètres). Elle a une possibilité par siècle de se reproduire, d'où son qualificatif de centennale. Pascal Popelin ,président des Grands Lacs de Seine est affirmatif : "tout le monde a la certitude qu'un tel événement se reproduira sans que l'on sache quand." Daniel Canepa, préfet d'Ile de France renchérit "ce n'est pas une hypothèse, c'est une certitude".
Les conséquences seraient considérables. La région parisienne s'est fortement urbanisée depuis cent ans. Elle regroupe 12 millions d'habitants. C'est ainsi que si 5% de sa superficie sont inondables, soit plus de 56 000 hectares, les zones qui seraient touchées sont urbanisées en moyenne à 40%. Mais ce pourcentage monte à 90% dans la petite couronne et à Paris.
Ce scénario se déroule dans un futur proche. En 2014 ou 2015. Après les précipitations exceptionnelles de l'automne qui ont saturé les nappes phréatiques et la vague de froid de décembre qui a imperméabilisé les sols, il pleut sans discontinuer sur le plateau de Langres et le Morvan. Les eaux de l'Yonne et de l'Aube viennent s'ajouter à celles de la Seine, puis celles de la Marne les rejoignent. Les lacs réservoirs, en amont de la Seine, qui ont rempli leur mission d'écrêtement des crues depuis plusieurs semaines, n'arrivent plus à réguler les débits du fleuve et des rivières. Les voies sur berge sont fermées dès que la cote de 3,20 mètres est atteinte. Mais la Seine franchit le cap fatidique des 5 mètres et les experts sont formels : nous sommes face à une crue centennale. Une cellule de crise est activée.
L'eau monte toujours et 4500 patients de plusieurs hôpitaux de la ville, notamment Georges-Pompidou et l'Hôtel-Dieu, sont transférés. Le RER C est en partie fermé. Devant l'inexorable avancée de la crue, la RATP bouche les 477 entrées d'eau répertoriées sur son réseau. Dès 6,20 mètres, la Régie se résout à inonder certaines lignes de RER pour éviter leur implosion sous la pression des eaux, après avoir enlevé toute l'électronique. "Si on ne le fait pas il faudrait des mois pour les remettre en marche", insiste Pascal Popelin. Les gares de Lyon et d'Austerlitz sont touchées tout comme l'Assemblée nationale, plusieurs ministères, un bon nombre d'ambassades et la Maison de la radio.
Les automobilistes désertent les zones touchées pour tenter de se garer dans les bois de Boulogne et de Vincennes. Les ordures ne sont plus jetées dans la Seine comme en 1910 mais entreposées sur des bases aériennes dans l'attente de la reprise d'activité des usines d'incinération. L'alimentation en eau potable de certaines communes est compromise. Au total 2,7 millions de personnes en seront privées. Des dizaines de milliers de bouteilles d'eau potable sont acheminées depuis la province. A 7 mètres, il devient impossible de rester chez soi dans certains quartiers de la capitale et de la banlieue, l'armée évacue alors 50 000 sinistrés et 350 000 foyers sont sans électricité.
Les stations de pompage des réseaux d'assainissement fonctionnent à plein régime pour empêcher le refoulement des eaux usées chez les usagers, mais une fois atteinte la cote de 7,30 mètres, elles s'arrêtent. Alors les réseaux d'assainissement débordent et les eaux usées ne peuvent plus être évacuées. L'eau monte toujours. A 8,60 mètres, près de 2 millions de personnes n'ont plus d'électricité, donc plus d'internet, de téléphone, de télévision... Aucun règlement ne peut plus s'effectuer par carte bancaire. La distribution du gaz et le chauffage urbain sont également interrompus.
Après avoir atteint son maximum de 8,64 mètres, la Seine amorce sa décrue. Il faudra près de huit semaines pour qu'elle réintègre son lit. Le bilan est catastrophique. 508 communes ont subi directement l'inondation et 31 d'entre elles ont eu plus de la moitié de leur territoire noyé. 170 000 entreprises ont été touchées, dont 86 000 inondées, générant une paralysie régionale qui a affecté l'ensemble de l'économie française. Le coût des dégâts directs est estimé entre 17 milliards et 20 milliards d'euros. Il faut y ajouter les dommages aux réseaux (électricité, gaz, télécoms, chauffage urbain...).
Ce scénario est dans les cartons...
Source : Francis Gouge Le Monde pour Directmatin plus