Don d'organes : et si on en parlait ?

Publié le 8 Juillet 2010

Trois questions au Professeur Christian Cabrol, chirurgien cardiaque.

Le nombre de dons d'organes a baissé au niveau national en 2009 par rapport à 2008, y a-t-il un tabou dans la société à ce sujet ?

Il n'y a aucun tabou mais un manque d'information. Les gens n'en parlent pas parce qu'ils n'y ont jamais pensé. Le plus important c'est d'en discuter avec ses proches, de leur faire part de notre volonté. Avoir une carte de donneur ne suffit pas, il faut absolument que les proches soient convaincus du souhait de la personne décédée. Quand elle n'est plus là, ils sont les seuls à pouvoir donner l'accord final.

Durant votre carrière, avez-vous senti que les perceptions des gens évoluaient concernant le don d'organe ?

Les premières greffes ont été considérées comme un miracle. Du coup les personnes concernées avaient l'impression de participer à ce miracle. Mais dés les années 1990, quand les greffes sont devenues beaucoup plus banales avec les traitements anti-rejets, les gens ont pensé que les autres allaient donner. Le nombre de dons a donc beaucoup baissé, il a fallu lancer une campagne nationale pour informer la population sur l'importance de ces dons. Une seule personne peut parfois sauver sept vies !

Que faire pour améliorer la sensibilisation des populations ?

L'exemple de l'Espagne est très intéressant. C'est le pays d'Europe où il y ale plus de dons parce qu'il y a trente médecins chargés de l'information sur le don d'organes auprès de la population. Il n'y en a que cinq en France. Il faudrait créer quinze postes de plus. C'est vraiment quelque chose qui vaudrait le coup d'être essayé, cela a fonctionné pour l'Espagne pourquoi pas chez nous.

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Le témoignage d'une greffée d'un rein il y a 24 ans.

Nicole n'aime pas forcément se raconter. Elle a peur de ne pas savoir le faire, de trop en dire ou pas assez, avec des mots qui ne seraient pas les bons. Mais Nicole a une motivation qui dépasse toutes ses craintes. "Sensibiliser au don d'organes. Je veux que mon histoire serve le don d'organes". Son histoire, c'est celle de nombreux greffés. La maladie, la douleur, l'attente et puis la renaissance. Nicole a 35 ans en 1976, quand elle apprend, alors qu'elle est soignée pour tout autre chose, que ses reins ne vont bientôt plus fonctionner. "Je n'y croyais pas, je me sentais bien, je n'avais mal nulle part."

Le calvaire ne fait que commencer. Examens sur examens, le diagnostic se confirme, l'insuffisance rénale est même très avancée. Nicole sait qu'à terme, seule une greffe pourra la sauver. Sa vie bascule. Coûte que coûte, elle continue à travailler en tant qu'agent spécialisé dans une maternelle. "Il ne faut absolument pas se marginaliser quand on est malade". Deux années passent, la maladie avance, la fatigue se fait de plus en plus grande. Ses reins se sont autodétruits, ils ne font plus leur travail, il faut leur venir en aide.

Arrive le moment tant redouté par tous ceux qui ont une insuffisance rénale, la dialyse. Cette machine, avec ses longs fils à travers lesquels passe son sang va devenir son véritable cauchemar. Elle y est reliée 6 heures par jour. Six heures passées dans sa chambre à attendre que le dialyseur fasse le travail de ses reins défectueux. S'il n'y avait que ça. "La dialyse demande un régime hyper draconien. On ne fait plus pipi donc il faut quasiment ne rien boire, seulement pour avaler les médicaments. Il faut faire bouillir trois fois les légumes pour éjecter tous les sels minéraux". C'est tout un quotidien qui est bouleversé pendant huit longues années.  

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Puis un jour de vacances, quand on ne s'y attend pas, le téléphone sonne. C'est l'hôpital qui pour une fois annonce une bonne nouvelle. Un nouveau rein est disponible. Le stress monte, l'excitation avec. "Je n'allais plus dépendre de cette machine." Après la greffe, c'est le début d'une nouvelle vie, une renaissance, dix ans après avoir appris sa maladie. "C'est extraordinaire. Je ne remercierai jamais assez la personne qui a fait ce don. Il m'a rendu la vie." Cela fait 24 ans que ce nouveau rein ne forme plus qu'un avec Nicole.

Cela fait aussi 10 ans que l'une de ses filles, atteinte de la même maladie qu'elle, vit aussi avec un greffon. Et bientôt deux ans maintenant que son petit-fils, Benoit, lui-même malade, a reçu "ce don de vie" comme l'appelle Nicole. "On vit normalement grâce à ça, il faut parler du don d'organes et pourquoi pas prendre la décision de ne pas s'enterrer avec ses "trésors" et surtout le dire à ses proches".

Source : Stéphanie Clopin, Ouest-France Edition Caen du 5 juillet 2010.

Rédigé par Stéphane Fleury

Publié dans #Santé

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