Ces musulmans déçus qui inquiètent le Parti Socialiste pour les municipales de 2014
Publié le 9 Février 2014
Il s'appelle Ismaïl Yadakoglu. En mai 2012, ce trentenaire d'origine turque a voté François Hollande. « Sans rechigner », dit ce militant associatif, mais il ajoute : « Aujourd'hui, j'hésite à voter à gauche » aux municipales de mars. Samedi, Ismaïl a rencontré François Lamy, le ministre de la Ville, venu dans les quartiers populaires de Besançon pour lever quelques malentendus, notamment avec les Français de confession musulmane. Car alors que leur vote est essentiel pour la gauche, il y a comme un parfum de malaise depuis mai 2012
Mosquée Al-Fath, hier matin, dans le quartier de Planoise. Le vendredi, jusqu'à 1 000 fidèles s'y rassemblent. Un morceau de façade vient d'être repeint en blanc. « C'est là qu'on a inscrit mort aux musulmans », indique au ministre Djilali Fellaou, le président de l'association cultuelle. A quelques encablures, les fidèles de la mosquée Souna, eux, ont retrouvé... une tête de sanglier devant le bâtiment. « Je suis français, je paye des impôts, j'ai droit à la sécurité », s'inquiète Mohamed, un habitué de la mosquée. Et il n'en faut pas beaucoup pour que le sentiment du deux poids, deux mesures surgisse. « La synagogue n'est jamais attaquée, elle, souffle-t-il. Parce qu'elle est surveillée. Nous, quand la police vient, c'est pour nous mettre des PV le vendredi. »
Le droit à la réussite individuelle
Sur fond d'affaire Dieudonné, Lamy est donc venu rassurer. « La République dénonce toutes les atteintes aux cultes, qu'ils soient musulman, chrétien ou juif », plaide le ministre. Un rappel reçu cinq sur cinq, lors d'une rencontre dans un centre social de Besançon, par des représentants associatifs qui attendent aussi le gouvernement sur un autre terrain.
Certes, « Hollande les a débarrassés de Sarkozy », admet Louardi Cid, un entrepreneur d'une soixantaine d'années qui a voté pour le candidat PS en 2012. « Mais ils en attendaient de l'emploi et pas forcément la PMA ou la GPA », soupire-t-il. Et ce père de famille de regretter, par exemple, que sa fille Nadia, sortie major d'HEC, ait été contrainte de partir en Angleterre pour travailler. « J'attends de la gauche qu'elle lutte contre les discriminations, pas qu'elle fasse du Mariage pour tous sa priorité », insiste-t-il. Fidèle au PS depuis des années, il rejoindra par « déception » une autre liste de gauche pour les municipales...
Député PS de Grigny (Essonne), Malek Boutih témoigne de la même désillusion post 2012. « La troisième génération ne demande pas des allocs, mais le droit à la réussite individuelle », souligne l'ex-président de SOS Racisme, qui tire la sonnette d'alarme : « Si la gauche ne le comprend pas vite, une partie de cet électorat va glisser à droite. En petit comité, le chef de l'Etat lui-même s'est alerté de voir des jeunes femmes musulmanes ne pas envoyer leurs enfants à l'école par crainte qu'on y enseigne la prétendue théorie du genre. » Il est donc temps de réagir. Mardi, le gouvernement annoncera sa feuille de route en matière d'intégration. Et courant février, Hollande a prévu de se rendre à la Grande Mosquée de Paris pour s'adresser aux musulmans de France...
Source : Le Parisien