Aulnay-sous-Bois : un habitant veut débaptiser l'avenue Eugène Schueller
Publié le 12 Juin 2012
C’était il y a soixante-quinze ans, le 9 juin 1937, à Bagnoles-de-l’Orne (Normandie). Des tueurs de l’organisation clandestine la Cagoule assassinaient les frères Rosselli, dirigeants antifascistes italiens. A priori, l’anniversaire ne semblait pas devoir marquer la vie locale à Aulnay-sous- Bois… C’était compter sans André Cuzon. Militant associatif, cet Aulnaysien a sauté sur l’occasion et réécrit au maire (PS), Gérard Ségura, demandant que l’on débaptise l’avenue Eugène-Schueller, du nom du fondateur du groupe L’Oréal, connu pour avoir soutenu l’organisation d’extrême droite.
«La Cagoule, c’était du terrorisme ! Je trouve invraisemblable qu’on honore encore dans nos rues quelqu’un qui a soutenu de telles horreurs », explique le retraité. André Cuzon a sans doute plus que quiconque arpenté les trottoirs de l’avenue Schueller : il a été informaticien pendant trente-trois ans au centre de recherche du groupe, que borde la petite artère du quartier Chanteloup. Voilà dix ans qu’il formule cette demande auprès des maires successifs : « Je n’ai jamais eu de réponse. Comme si personne n’osait s’en prendre à L’Oréal. » Gérard Ségura l’assure : « S’il y a une demande, j’inviterai le comité d'attribution des noms de rue à l'examiner."
En 2010, la municipalité avait reçu une requête analogue de la Ligue des droits de l’homme sans y faire suite. «Cela n’a rien à voir avec le fait d’oser ou non s’en prendre à l’entreprise. La justice avait blanchi Eugène Schueller après la guerre, explique Miguel Hernandez, adjoint PC en charge de ces questions. On n’a pas souhaité débaptiser les rues, comme la droite l’avait fait en prenant la ville en 1983. » C’est d’ailleurs à cette époque, sous l’autorité du maire RPR, Jean-Claude Abrioux, décédé l’an dernier, que le nom du fondateur de l’entreprise de cosmétiques avait été inscrit sur les plaques de la voie, auparavant appelée avenue Saint-Germain.
L’inauguration avait eu lieu en présence de la fille d’Eugène Schueller, Liliane Bettencourt. «C’est dans cette rue qu’il avait ouvert son premier laboratoire. Nous voulions rendre hommage à l’industriel, qui a largement contribué à la prospérité d’Aulnay », explique Gérard Gaudron, ancien maire (UMP), qui avait succédé à Jean-Claude Abrioux. Outre le centre de recherche, la ville abrite encore aujourd’hui une importante usine L’Oréal, dans les quartiers nord. A ceux qui jugent sa démarche « décalée », André Cuzon rétorque qu’elle est « poétique ». Pour remplacer le nom de l’entrepreneur, le sexagénaire propose celui… d’Amelia Rosselli, fille de l’un des frères assassinés, poétesse marquée par la tragédie, au point de se suicider dans les années 1960. « On est dans l’utopie, mais je suis sûr qu’il est possible de négocier avec la direction de L’Oréal », affirme-t-il. Cette dernière n’a pas souhaité émettre le moindre commentaire.
Source : Le Parisien du lundi 11 juin 2012