Aulnay-sous-Bois : pourquoi l'usine PSA est-elle condamnée ?

Publié le 24 Février 2012

DECRYPTAGE- S'il faut une usine de moins sur le sol français, Aulnay- sous -Bois sera "le site d'ajustement privilégié" de PSA. Les raisons du choix.

PSARECUPIls voulaient éviter que le site de Peugeot Citroën aille rejoindre les Vilvoorde, Ryton, Anvers, Termini... au cimetière des usines automobiles européennes sacrifiées. Pourtant, il y a fort à parier que la manifestation de soutien aux salariés d' Aulnay qui a eu lieu le 18 février sera sans grand effet et qu'avant fin 2012 ce qui n'est plus qu'un secret de Polichinelle deviendra officiel: l'usine d'Aulnay est condamnée. C'est en tout cas ce qui est prévu par un rapport, dévoilé par la CGT en juin 2011, et que la direction a toujours qualifié de "document de travail".

Objectif mis en avant dans la note: la nécessaire "réduction drastique" des prix de revient du segment B, celui, particulièrement concurrentiel, des petites citadines comme la Peugeot 208 ou la Citroën C3. Précisément, le modèle produit à Aulnay à un rythme - 200. 000 véhicules par an - qui correspond, hasard parfait, aux réductions de capacité envisagées. Voilà ce qui fait de l'usine au nord de Paris "le site d'ajustement privilégié".

Sous-utilisation

Difficile d'envisager un autre scénario, tant la surcapacité en Europe est importante. "Elle se chiffre à une usine par constructeur", déplore un consultant. En France, entre 2005 et 2011, la production, tous constructeurs confondus, est passée de 3,5 à 2,2 millions de véhicules légers. Entendu par la commission de l'Economie du Sénat le 7 février, Denis Martin, directeur industriel et des relations sociales de Peugeot Citroën, alertait sur le sujet. "A fin janvier, les usines du groupe sont utilisées à 80%. Cela signifie que nombre de nos usines ne tournent pas à pleine capacité et que leurs coûts fixes ne sont pas suffisamment amortis." Philippe Varin, président du directoire, a l'ambition de voir le taux d'utilisation des usines monter au moins à 105% - un taux de 100% correspond à la capacité maximale d'une usine travaillant en deux équipes. Les constructeurs veulent faire mieux: le rapport de la direction dévoilé par la CGT mentionne ainsi qu'en faisant passer l'utilisation de 90 à 130%, le coût de fabrication d'une voiture baisse de 250 euros. Un taux de 120%, avec trois équipes, permet notamment aux fours de l'atelier de peinture de ne pas tourner dans le vide. A la clé, pour chaque voiture, des dépenses d'énergie qui baissent d'un tiers.

Aulnay a déjà senti les effets avant-coureurs de ce mouvement: en 2008, le groupe y a fermé une des deux lignes d'assemblage, en saturant l'autre chaîne avec trois équipes. Et la fabrication des C3, les seules voitures aujourd'hui assemblées à Aulnay, a été déployée à Poissy, l'autre usine de Peugeot Citroën en région parisienne. "On assiste ni plus ni moins à un transfert de la production d' Aulnay à Poissy", se désole Jean-Pierre Mercier, délégué CGT de l'usine. Or, curieusement, Poissy est la plus petite et la plus ancienne des deux usines. Et au moment de choisir entre les deux sites, il aurait pu paraître plus logique de privilégier Aulnay.

Mauvaise réputation

Seulement voilà, la taille et l'âge ne sont plus des éléments à prendre en compte. Plusieurs éléments ont joué contre Aulnay. D'abord, le site de Seine-Saint-Denis traîne une réputation d'être socialement difficile. Cela date d'il y a trente ans! Une grève de cinq semaines avait imposé la liberté syndicale en 1982 dans une usine où la CSL, le "syndicat maison", trustait plus de 60% des voix. Ces rapports sociaux d'un autre temps ont disparu, tout comme la CSL, enterrée avec l'arrivée de Jacques Calvet aux commandes du groupe, en 1983. Mais une nouvelle grève en 2007, organisée (sans succès) pour réclamer des augmentations de salaires l'intégration de 700 intérimaires et la retraite à 55 ans, renforce encore l'image rebelle d' Aulnay. La fabrication y a été ralentie durant six semaines alors qu'ailleurs le mouvement n'est pas réellement suivi. "Aulnay c'est la bête noire du groupe", résume un observateur.

Ensuite sur le plan industriel les avantages apparents d' Aulnay - un site plus moderne - se sont finalement retournés contre lui. Une fois la décision prise de supprimer une ligne, il était en effet plus facile de le faire en Seine-Saint-Denis où les deux chaînes étaient parfaitement séparées. A Poissy, l'opération aurait été plus complexe car les deux lignes, plus imbriquées, se rejoignent en de nombreux points dans le même bâtiment. Par ailleurs, Poissy a son propre atelier d'emboutissage, quand Aulnay a cédé le sien en 2000. Poissy a également fait l'objet de gros investissements pour son atelier de peinture: le constructeur est soucieux de les amortir.

Reconversion?

Enfin, des considérations purement immobilières ont également joué. Poissy regroupe en effet une usine et deux immeubles administratifs. Il semble plus rationnel de tout concentrer dans cette zone qui compte aussi, non loin, un centre d'essais. A Aulnay Peugeot Citroën pourrait avoir d'autres desseins que de la pure industrie. Une affaire immobilière pour un terrain estimé en 2010 à 306 millions d'euros? Denis Martin le conteste: "Il ne faut imaginer à aucun moment que nous quittions le territoire", affirme le directeur des usines à Challenges. Il l'a d'ailleurs confirmé à Gérard Ségura, maire (PS) d'Aulnay. Alors Peugeot Citroën toujours en Seine-Saint-Denis, mais pour faire quoi?

Spéculations

C'est ici qu'il faut se projeter sur le futur de ce terrain proche des autoroutes A1 et A3, de la Francilienne et du RER B. Il sera en plus desservi, dans quelques années par le "grand huit" la ligne de métro aérienne qui doit désengorger les autres transports d'Ile-de-France. Un accès rêvé pour les visiteurs d'un musée que le groupe aimerait construire. Et une position de choix pour développer le centre logistique existant. Pour Gérard Ségura, ce serait une maigre consolation. "Quatre cents salariés de l'usine vivent à Aulnay. Nous préférons nous battre pour que la production soit maintenue." Sur ce plan, la direction est claire. "Jamais elle n'a voulu s'engager au-delà de 2014 reconnaît Jean-Pierre Mercier. On ne pourra pas lui reprocher d'avoir fait des promesses en l'air. "

Source : Héloïse Bolle http://www.challenges.fr

 

Rédigé par Aulnaylibre !

Publié dans #Emploi

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Autre source de vives inquiétudes légitimes à venir, les actuels pourparlers entre les dirigeants de PSA et de General motors en vue d'un partenariat; ce qui conduirait à démanteler des sites<br /> européens............ :/<br /> <br /> http://www.20minutes.fr/economie/884597-pourquoi-psa-peugeot-citroen-general-motors-veulent-allier
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