Ce n’est pas l’école, ce n’est pas le conservatoire, ce n’est pas l’émanation d’une structure politique, sociale, religieuse. C’est unique, on ne peut pas le mettre dans une case ou lui accoler une étiquette. C’est le Crea d’Aulnay-sous-Bois en Seine-Saint-Denis qui en vingt-cinq ans a créé 52 spectacles d’opéra et de théâtre musical de très grande qualité avec des jeunes de six à vingt-cinq ans.
On y apprend le goût de l’effort, de l’excellence, de la concentration, du respect d’autrui, du partage, de la communication, tout simplement parce que c’est nécessaire pour construire quelque chose de beau ensemble.
A l’entrée, pas de sélection. Pendant, pas d’esprit de compétition, mais de la rigueur, de l’exigence, de la discipline. Les outils naturels de la passion. A l’arrivée, une réussite artistique et humaine. Une utopie qui marche. Didier Grojsman en est le directeur. A ses côtés, une équipe de formateurs de haut niveau. Et une marraine de choc : Natalie Dessay. Le Crea (Centre régional d’études artistiques) va dans les crèches et dans les écoles, travaille avec les centres sociaux, les autistes, les séniors, dans les quartiers difficiles qui pour le coup deviennent réellement « sensibles ».
Sous l’égide de la Fondation Orange, des chefs de chœur du Crea vont régulièrement faire chanter des salariés de l’entreprise en montant des chorales sur le lieu de travail. Plus de hiérarchie, mais un partage musical des tâches: sopranos, mezzos, ténors et basses. Un but artistique commun et une aventure humaine.
Didier Grojsman a également été sollicité par « Dix mois d’école et d’opéra » à l’Opéra national de Paris. Il a apporté ses compétences, son énergie et son enthousiasme à cet autre projet exceptionnel.
Didier Grojsman a eu une bonne fée lorsqu’il était enfant. Une élève d’Olivier Messiaen avait ouvert un bar-épicerie dans son quartier de banlieue. Au milieu des boîtes de conserve et d’un coin de zinc où les éboueurs venaient prendre un verre de calva pour se réchauffer dès potron-minet, Dolly jouait Chopin ou Debussy sur un vieux piano. Elle donnait aussi des leçons gratuites au petit Didier qui traînait dans cette caverne d’Ali Baba. C’est là qu’il a pris conscience que la musique parlait à tout le monde, à condition de la travailler sérieusement, sans se monter du col.
Aujourd’hui, les enfants qui passent par le Crea d’Aulnay-sous-Bois sont épanouis. Ils ont du talent. Ceux qui n’avaient pas confiance en eux ont changé. Ceux qui étaient en échec scolaire s’améliorent. Les anciens du Crea ont tous un boulot, une vie structurée.
Didier Grojsman a commencé sous une municipalité de droite. Quand la majorité est passée à gauche, il a demandé au maire: « Tu nous laisses continuer ou tu défais ce que ton prédécesseur nous a aidé à bâtir ? » Le nouveau maire a dit : « Non, non, continuez. C’est formidable ! »
Le Crea d’Aulnay-sous-Bois a reçu le label du Grand Paris. La première pierre d’un nouveau lieu a été posée à la Ferme du Vieux Pays d’Aulnay grâce à l’aide des collectivités locales. Du côté du ministre de la Culture et du ministre de l’Education, silence radio. Didier Grojsman entend les discours sur la jeunesse et sur l’éducation du nouveau gouvernement. Mais de soutien pour cette nouvelle ambition point. Il ne comprend pas très bien. Mais il continue quand même.
Source : http://www.huffingtonpost.fr