Avez-vous peur dans le RER B ?

Publié le 10 Juin 2021

À la Gare du Nord, Stessy et Joyce-Lee papotent sur le quai 43. Une demi-heure après le couvre-feu, des grappes de voyageurs s’agglutinent encore, ce jeudi soir, pour prendre le RER B. Les haut-parleurs crachent à intervalles réguliers les messages de sécurité. Et ce fameux numéro d’alerte — 31177 ― résonne aux tympans des voyageurs les plus apeurés. Des voyageuses. « À cette heure-là, ici, c’est rare qu’il n’y ait pas de monde, rassurent les deux copines, l’œil attentif à leurs bébés respectifs. Après Aulnay-sous-Bois et en fin de ligne, c’est différent. »

Alors que la sécurité, notamment dans les transports, est devenu un thème clé des candidats aux élections régionales, Stessy et Joyce-Lee, âgées d’une trentaine d’années, reconnaissent avoir déjà « eu peur ». « On est sur nos gardes, surtout dans certaines stations de métro comme Barbès ou Clignancourt, où on sait qu’il y a pas mal de malades. »

Avez-vous peur dans le RER B ?

Les écouteurs, meilleur allié des femmes… mais sans musique

Au fil des années et des voyages sur cette ligne qui traverse plusieurs villes sensibles, ces habitantes de Sevran (Seine-Saint-Denis) ont déployé des astuces pour repousser les importuns. Changer de place, descendre et monter dans un autre wagon. Et surtout « les écouteurs », désignent-elles comme bouclier. « Mais il n’y a pas de musique, ça permet de jeter des regards en coin et de surveiller », sourit Stessy.

Premier arrêt : le Stade de France. Une vague descend. Aux dernières lueurs du jour, la gare immense ouverte aux quatre vents impressionne. Mais cet ancien rassure : « Rien à craindre ».

Dans le train encore garni, Marie, 24 ans, somnole, assise au milieu de la rame, la tête appuyée contre la vitre. Son cauchemar ? « Les frotteurs. Quand on est debout, c’est l’enfer, à n’importe quelle heure. Mais les mecs relous, c’est surtout à partir de 20 heures. Quand tu es habituée, ça fait moins peur, et puis j’ai toujours mes écouteurs. »

Assise face à elle, Sarah lève la tête et opine. Cette jeune maman de 25 ans emprunte tous les jours depuis trois ans le RER B pour aller travailler dans un salon de coiffure à Paris. Au quotidien, les trajets ponctués de mésaventures pèsent. « C’est rare, une semaine sans histoire », confie-t-elle. À tel point que le matin, c’est bien souvent un sujet de conversation avec les collègues. Certaines changent même de tenue pour être tranquilles. Pas Sarah. « Je m’habille comme j’ai envie. Je suis grande gueule. Il n’y a pas le choix. Au moins comme ça, ça donne l’alerte, les gens se retournent. »

Un homme montre son sexe

Mais l’autre semaine, la jeune femme n’en menait pas large : « Un type trop bizarre se baladait dans la rame le pantalon baissé, on voyait son sexe. On avait peur qu’il nous touche. » Sarah et d’autres filles se sont regroupées au fond du wagon : « À plusieurs, on se rassure. S’il y avait eu un policier, il l’aurait sorti. » La voyageuse l’assure : « On en voit mais jamais au bon endroit. Souvent, ils sont dans la gare du Nord, rarement sur les quais et jamais dans les trains. »

Ce soir-là, pas besoin d’agent de sécurité. Les fauteuils sont désormais clairsemés. Le seul mec ivre s’est assoupi, perché en travers des fauteuils, une bière encore à la main. Quand, à l’opposé, deux jeunes hommes aux carrures de basketteurs échangent quelques mots. Eux n’ont jamais eu de soucis. Bien au contraire.

« La dernière fois, un mec a arraché le téléphone d’une fille, juste quand le train allait partir. Je l’ai chopé à la porte. Je ne pouvais pas ne pas réagir, lâche Cheuck, 23 ans. À chaque fois, c’est pareil sur cette ligne à partir de Drancy, Le Bourget, il y a toujours des problèmes. » En décembre, une conductrice de train avait été violemment agressée en gare de Sevran-Livry, alors qu’elle demandait à un passager d’éteindre sa cigarette.

Les lumières de Mitry-Mory (Seine-et-Marne) se devinent. Le terminus approche. Stéphanie, 46 ans, va pouvoir remballer son écran. Pour sa part, pas d’insécurité à l’horizon. Une semaine sur deux, elle emprunte le RER B pour le travail : « On voit passer les patrouilles ferroviaires ».

«Avant, c’était une catastrophe»

Jimmy, 25 ans, confirme : « Depuis un moment, la ligne s’est sécurisée. Avant, c’était une catastrophe. » Avant ? Du temps où le jeune Mitryen allait à l’université via Aubervilliers-La Courneuve. « Il y avait tout le temps des problèmes », se souvient-il. Vols de sacs à main, de téléphones, des bagarres…

Il est 23 heures. Sur le quai, un agent veille. Les passagers s’engouffrent dans le souterrain. Avant de s’éparpiller tels des fantômes. Les lumières éclairent des quais vides de toute âme. Le chef de gare baisse le rideau de fer. Fin de journée.

Article complet du journal Le Parisien à lire en cliquant : ici

Source article : journal Le Parisien / Photo d’illustration : Aulnaylibre.com

Rédigé par Aulnaylibre !

Publié dans #Transports

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