Mort de Zyed Benna et Bouna Traoré en 2005 à Clichy-sous-Bois : bientôt le procès

Publié le 16 Février 2015

Mort de Zyed Benna et Bouna Traoré en 2005 à Clichy-sous-Bois : bientôt le procès

La bouille souriante de Bouna Traoré, 15 ans, le regard sérieux de Zyed Benna. Ces visages, le grand public les a vus s'afficher des dizaines de fois, à la télévision, dans le journal... Mais il a sans doute perdu le fil de la procédure judiciaire, interminable, qui a suivi la mort dramatique de ces deux adolescents, électrocutés dans un transformateur EDF, à Clichy-sous-Bois. C'était le 27 octobre 2005. Le drame avait été le point de départ de trois semaines d'émeutes dans les banlieues françaises.

Dans un mois tout juste, deux fonctionnaires de police comparaîtront devant le tribunal correctionnel de Rennes (Ille-et-Vilaine) pour « non-assistance à personne en danger ». Jusqu'en 2013, la perspective d'un procès semblait encore incertaine. Dans la dernière ligne droite, le temps semble soudain s'accélérer, pour les familles, les prévenus, les avocats. Une certitude : le rendez-vous sera éprouvant. C'est la première fois que les proches de Zyed, Bouna, et de Muhittin Altun, seul rescapé du drame, vont entendre les policiers s'expliquer. L'un était à la poursuite des jeunes, l'autre était au standard du commissariat de Livry-Gargan. Une question dominera l'audience : étaient-ils conscients du risque couru par les ados, auraient-ils pu les secourir ?

Une collecte pour aider les familles à financer le voyage

Pour les familles, ce procès a évidemment valeur de symbole : « C'est la vérité qu'ils attendent depuis près de dix ans. Ils vont enfin savoir ce qui s'est passé. Ils vont enfin devenir des victimes, aux yeux du tribunal et de la société », souligne Emmanuel Tordjman, l'un des avocats. Ce dernier, qui prépare l'échéance avec les parents des ados décédés et le jeune Muhittin, aujourd'hui âgé de 26 ans, anticipe des moments difficiles. Par exemple, l'écoute des bandes audio contenant les échanges radio entre les policiers le jour du drame, alors que les victimes se dirigeaient vers le site EDF. Muhittin, très affecté par la tragédie, parviendra-t-il à endurer de tels moments ? L'appréhension affleure dans la voix de Siyakha Traoré, grand frère de Bouna : « On a tellement attendu. Selon les jours et les humeurs, je suis optimiste... ou pas. » Dans l'immédiat, il doit se concentrer sur la logistique : le voyage à Rennes pour assister à une audience de cinq jours représente un coût que les familles, de condition modeste, ne pourront assumer seules. Pour aider les parents de Zyed, désormais retraités en Tunisie, mais aussi les frères et soeurs de Bouna, une collecte a été lancée. « En 2005, les jeunes de Clichy avaient réuni de l'argent spontanément. La vente d'un CD a permis de payer des frais de justice, et là, on va solliciter des artistes », indique Samir Mihi, proche des familles.

Les policiers se préparent à s'expliquer

Les deux fonctionnaires (toujours en exercice, l'un dans l'est de la France, l'autre en Seine-Saint-Denis) se rendront à Rennes par leurs propres moyens. Ils ne se sont jamais exprimés publiquement en neuf ans. Et ne le feront pas d'ici le procès. « Ils ne veulent pas être jetés en pâture, n'ont pas envie d'être stigmatisés », explique leur avocat Daniel Merchat, qui a toujours dit que ses clients aborderaient l'audience « la tête haute ». « S'expliquer ne leur fait pas peur, ils l'ont fait dix fois chacun au moins, devant la police, les juges d'instructions », rappelle l'avocat, qui a à coeur de « remettre à leur juste place [ses clients], celle de fonctionnaires de police qui, en leur âme et conscience, n'ont pas commis d'erreur, ni rien dissimulé à personne, ce ne sont pas les responsables de l'accident, ce procès n'est pas le procès des émeutes, ni celui de la police ». Daniel Merchat pense déjà à sa plaidoirie. Il rencontrera ses clients cette semaine, pour préparer le rendez-vous avec eux. « Le problème principal dans ce genre d'affaire, près de dix ans après, c'est la mémorisation ».

Journalistes, élus et associations seront présents

« Ce procès n'est pas celui des émeutes ou de la police », répètent à l'unisson les avocats des prévenus et des parties civiles. Mais le tribunal de Rennes s'attend à un public nombreux, et a déjà prévu une salle de retransmission des débats. Outre les journalistes, élus et associations (comme le collectif AC Lefeu) seront présents. Le maire PS de Clichy Olivier Klein sera là, tout comme l'un de ses adjoints Mehdi Bigaderne, qui y voit le signe « qu'à Clichy, on peut espérer une justice égale pour tous ».

Source : Le Parisien

Rédigé par Aulnaylibre !

Publié dans #93 Infos

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