Le maire d’Aulnay-sous-Bois Bruno Beschizza veut une police municipale moderne et armée
Publié le 19 Février 2015
Agé de 46 ans, Bruno Beschizza est un ancien officier de police, secrétaire général du syndicat policier Synergie-Officiers entre 1998 et 2010. Il est conseiller régional d’Île-de-France depuis 2010 et maire d’Aulnay-sous-Bois depuis avril 2014. Il est également secrétaire national de l’UMP en charge de la sécurité
Le président de l’UMP vous a confié une mission sur la police municipale. De quoi s’agit-il ?
La mission que Nicolas Sarkozy m’a confiée, c’est d’élaborer un ensemble de propositions pour faire entrer la police municipale dans la modernité. La police municipale a une très longue histoire qui remonte à l’Ancien régime. Depuis la loi de 1884 qui a posé les fondements juridiques actuels de la police municipale et de son champ d’action, des évolutions ont certes eu lieu – quelle que soit la couleur politique du gouvernement d’ailleurs – mais on constate aujourd’hui qu’un palier a été franchi.
Les missions de la police municipale d’aujourd’hui ne se limitent plus uniquement à faire de la circulation ou du stationnement. Les risques, les missions et les compétences ont évolué et je ne parle même pas des attentes de la population qui sont fortes envers leur police municipale. Le cadre juridique doit suivre. Qui peut aujourd’hui comprendre qu’un policier municipal n’ait pas le droit de procéder à un contrôle d’identité lorsque l’on sait qu’ils sont parfois dans des situations qui le nécessiteraient ?
Nicolas Sarkozy a également rencontré certains syndicats de police municipale. Quel a été son message ?
L’idée de Nicolas Sarkozy, c’est de dire que suite aux attentats du début d’année, au lieu de faire plancher des comités théodules de hauts fonctionnaires parisiens, il faut écouter le terrain. L’écoute permet d’éviter les concours Lépine ou autres catalogues à la Prévert de mesurettes comme on a malheureusement pu l’entendre chez certains responsables politiques.
L’idée, c’est d’écouter les professionnels, tous les professionnels, et donc à ce titre aussi les syndicats de police municipale qui participent à la sécurité de nos concitoyens. Le paradigme est ainsi renversé. On part du terrain et cela permet de répondre à des situations concrètes et de faire des propositions fortes, efficaces et parfois très simples ! Bien sûr, le rôle du politique est ensuite de voir ce qu’il peut reprendre ou non, mais ainsi, chacun reste à sa place et dans son rôle. Il faut être humble, le rôle des politiques, c’est de décider et non d’être un expert de tous les sujets.
Depuis les attentats contre Charlie Hebdo, certains maires ont fait le choix de renforcer leur police municipale en multipliant les effectifs ou en l’armant. Quelle est la position de l’UMP ? Faut-il généraliser l’armement des policiers municipaux ou faut-il garder le principe de libre administration des collectivités territoriales ?
Un élément de réflexion d’abord. Prenons l’exemple d’un enseignant. Cela vous viendrait-il à l’esprit de ne pas lui fournir de tableau noir ou de craie pour faire son cours ? Je pense que sur le débat de l’armement, il faut avant tout comprendre une chose : un policier national, un policier municipal, pour un voyou, c’est la même chose. On l’a vu malheureusement à Montrouge avec cette policière municipale exécutée en place publique et dont le seul tort aux yeux des terroristes était de porter un blouson siglé police.
Le principe de libre administration des collectivités existe, et on peut difficilement le remettre en cause. Mais face à la liberté, il y a un pendant : la responsabilité. Aujourd’hui, prendre la décision d’armer ou non la police municipale, c’est une prérogative du maire seul dans son bureau, si on schématise. A l’UMP, nous considérons que le fait de ne pas armer la police municipale est une décision tellement grave qu’il convient d’obliger le maire à passer une délibération en conseil municipal pour que ses agents ne soient pas armés. Ainsi, chacun est face à ses responsabilités. Un débat aura lieu, chacun votera, devant sa population et devant ses fonctionnaires.
Quel message voulez-vous faire passer aux maires qui restent encore sceptiques sur l’armement ?
L’armement de la police municipale va de pair pour moi avec une formation initiale renforcée et une meilleure formation continue. Je n’ai qu’un message à faire passer aux maires : si un drame arrive et aurait pu être évité, vous êtes en tant que maire responsable. La libre administration, cela va de pair avec la responsabilité. Les droits, cela s’accompagne des devoirs. Et, à titre personnel, j’estime que j’ai des devoirs face à mes policiers municipaux qui sont sur le terrain. J’ai une confiance à priori en mes agents et j’ai le devoir de tout faire pour qu’ils puissent intervenir dans des conditions parfaites de mise en sécurité. N’oublions jamais que la tradition de l’armement en France, ce n’est pas comme aux Etats-Unis, c’est avant tout pour se défendre.
Plus généralement, faut-il modifier le cadre législatif et réglementaire existant concernant les polices municipales ?
Bien sûr, j’évoquais plus haut les contrôles d’identité. Il y a également la question du port d’arme. Car lorsqu’un policier municipal se rend à son travail, il a interdiction de porter une arme de service. Contrairement aux policiers nationaux qui, eux, ont le droit. J’ai d’ailleurs écrit à la suite des événements du début d’année au préfet de la Seine-Saint-Denis pour lui demander exceptionnellement que les agents puissent porter leur arme en dehors de leur service. La réponse du représentant de l’Etat a été claire : le cadre juridique ne le permet pas.
Les outils juridiques qui sont octroyés aux policiers municipaux ne sont plus en phase avec ce dont ils auraient besoin sur le terrain. Il faut donc élargir le cadre légal et réglementaire mais pas n’importe comment. Un concept doit être pris en compte dans l’élaboration et la remise à plat de ce cadre : la coproduction de sécurité qui associe tous les acteurs. Policiers nationaux, gendarmes, policiers municipaux mais aussi par exemple acteurs de la sécurité privée.
Source : Le Gazette des Communes