En voyageant un peu à l'étranger, ou même plus généralement en discutant avec des personnes d'autres pays en diverses occasions, j'ai souvent été estomaqué par la perception qu'ils pouvaient avoir de la France et des français. Qu'elle soit véhiculée par les médias ou tout bonnement transmise de générations en générations, cette image et les clichés qui vont avec ont parfois la vie dure... Mais rien n'est perdu. Quelques heures à discuter, échanger et vous arrivez à faire comprendre que ce n'est pas si simple et qu'il peut y avoir des nuances. C'est vrai à l'échelle d'un pays, mais cela l'est aussi à celle d'une ville...
Prenez Aulnay-sous-Bois par exemple... Que n'ai-je pas entendu sur cette ville avant d'y habiter ! Ces derniers temps, les questions d'urbanisme cristallisent les tensions. Certains politiques ont la tentation de céder à la facilité en usant de raccourcis propres à diviser les quartiers et les habitants sur cet immense défi qui nous attend : imaginer les contours d'une ville à vivre ensemble pour demain. Plutôt que d'attiser les oppositions, miser sur le dialogue et l'écoute de l'autre parait une voie à explorer bien plus raisonnable... Il suffit de faire le premier pas pour se rencontrer...
Dans cet esprit je relaie cet article qui inaugure la rubrique : la France, vue d'ailleurs, l'occasion de se voir à travers le regard des autres...
Stéphane Fleury.
Les vertus méconnues du modèle français...
Dans le concert de critiques venues des Etats-Unis, plusieurs voix soulignent que la France ne s'en sort pas si mal. L'Hexagone vu par certains Américains serait un pays imaginaire, explique "Dissent".
Alors que la récession bat toujours son plein, l'heure est revenue pour les journaux américains de s'en prendre aux Français. Quand, en février 2009, the Washington Post s'est hasardé à soutenir l'intervention étatique, il s'en est presque excusé, s'empressant de rappeler à ses lecteurs qu'il partageait leur dégoût pour toute planification à la française. " Les rumeurs de nationalisation des banques terrorisent la Bourse, ce que l'on peut comprendre. L'idée même est tellement, disons... française".
Roger Cohen (aucune parenté avec l'auteur) a asséné le coup de grâce dans The New York Times. L'Amérique, scandait le journaliste, doit puiser dans son esprit d'entreprise, son désir d'agir, pour trouver sa propre voie. " J'aime la France, mais je ne tiens pas à ce qu'il y en ait deux, surtout pas si l'une des deux se trouve aux Etats-Unis ". Pour le public américain, la France que dépeignent ces auteurs est facile à identifier. C'est le pays de la bureaucratie étouffante, de la fiscalité écrasante, de l'industrie nationalisée inefficace, du gigantesque secteur public financé par le contribuable...
C'est aussi le pays des grèves et des perturbations, de l'emploi garanti à vie, de gens qui aiment s'amuser - qui sont formidables quand il est question de vin ou de séduction - mais qui ne sont ni assez entreprenants ni assez travailleurs ! Les Français seraient aussi trop attachés à leurs longues vacances, à leur retraite précoce, trop dépendants des généreuses subventions d'un Etat-providence boursouflé.
Cette France est dans une large mesure imaginaire. Aujourd'hui, le pays est la cinquième économie du monde : soumise à la concurrence au sein de l'Union européenne et à des réglementations commerciales plus strictes que leurs équivalents américains, elle n'en attire pas moins les capitaux internationaux, au point d'être le troisième bénéficiaire mondial d'investissements étrangers directs. Ses salariés sont plus productifs à l'heure que leurs homologues américains et moins syndiqués. Abritant la cinquième place boursière de la planète, la France, avec ses écoles d'ingénieurs réputées, a déployé des armées de mathématiciens prodiges et d'économistes dans les banques d'investissement de New York et de Londres, pour développer les stratégies commerciales et les produits dérivés exotiques qui ont contribué à nous mettre dans la panade que nous connaissons.
Pour le meilleur et pour le pire, la France "socialiste" est pleinement intégrée dans l'économie capitaliste mondiale. Depuis la Libération, la planification française a remporté des succès nettement plus éclatants que ses détracteurs néolibéraux ne veulent l'admettre. L'Etat s'est servi de la planification comme d'un outil flexible pour restructurer des entreprises et sauver des emplois, pour créer de nouvelles industries à partir de rien et favoriser l'emploi, pour atténuer l'impact de la désindustrialisation sur les ouvriers et sur les municipalités, et pour orienter la politique des transports et de l'énergie vers des solutions plus durables.
Alors que les Etats-Unis se débattent en quête d'un nouveau cap économique, les Américains pourraient faire pire que de s'intéresser de près à la France. Le taux de chômage américain dépasse celui de la France depuis l'été dernier, alors qu'aux Etats-Unis les salariés sont beaucoup plus vulnérables aux cycles de chômage prolongés. Prendre au sérieux les effets d'un rôle accru de l'Etat permettrait peut-être d'entamer une discussion non seulement sur la justice sociale, mais aussi sur l'efficacité économique. Il est temps que cette discussion ait lieu.
Source : Paul Cohen, Dissent (extraits), New York in Courrier International pour Directmatin plus. 14/11/2010.