Le Billet de Veritis : Enfances et adolescences perdues… puis sauvées !
Publié le 20 Décembre 2010
Enfances et adolescences perdues… puis sauvées !
Dans ce monde de violence, de bruit et de fureur où les journaux et les magazines se font l’écho des pires excès de nos sociétés, il est bon, de temps en temps, de tomber sur des reportages qui réchauffent l’âme et le cœur.
C’est le cas d’un reportage publié dans le Figaro Magazine du 17 décembre 2010, à propos de la Fondation d’Auteuil.
« Créée il y a 150 ans et reconnue d’utilité publique depuis 1929, la fondation des apprentis d’Auteuil accueille, héberge, éduque et forme des milliers de jeunes en rupture familiale, scolaire ou sociale. De l’humanitaire de proximité, concret, discret et surtout efficace. » . Tel est l’accroche de ce reportage avec en toile de fond une superbe photo du château des Vaux (Eure-et-Loir) appartenant à l’association.
Ce château est un bâtiment du XVII° siècle, agrandi et complété ensuite par le marquis d’Aligre (serait-ce le même que celui de notre rue Aligre ?), qui en fit l’acquisition en 1804.
« C’est dans un domaine boisé de cent hectares parfaitement entretenu, avec des jardins à la française, des statues et des bassins qu’une armée d’ouvriers s’affaire autour des haies, des massifs et des gazons » poursuit le reportage qui souligne par ailleurs que « dans les salons du château, transformé en restaurant, les clients sont choyés par des serveurs et serveuses en tenue impeccable ». Mais ce qui frappe, dit-on encore, chez eux comme chez leurs collègues jardiniers, c’est leur extrême jeunesse.
800 jeunes, internes, externes ou demi-pensionnaires sont accueillis par cet établissement. Des destins « toujours froissés, souvent brisés, parfois broyés ». Des « vilains petits canards d’une société qui va trop vite et trop fort, sans se retourner derrière elle » souligne encore l’auteur de l’article Jean-Louis Tremblay.
A ces laissés-pour-compte, il est offert une seconde chance. Aux Vaux, un collège et deux lycées professionnels forment à divers métiers : horticulture, paysagisme (avec le parc et les jardins en guise d’atelier géant !) ; cuisine, hôtellerie, restauration (avec mise en pratique dans le restaurant du château), boulangerie, pâtisserie, peinture, mécanique, électricité…
Mais un tel cadre n’est-il pas trop beau ? Assurément, non, disent les responsables de la Fondation en mettant en avant un concept qui a fait ses preuves : « l’éducation par le Beau » et en résumant ceci par ces propos : « Nous avons constaté que nos jeunes, dont certains ont flirté avec la délinquance, respectent plus un lieu chargé d’histoire qu’une construction moderne et récente. Autrement dit, ils ont tendance à commettre plus de dégradation dans un préfabriqué de banlieue que dans un manoir centenaire ».
Quelques témoignages édifiants :
Elodie, 20 ans, parents séparés, enfance difficile, CAP Boulangerie puis pâtisserie :
« Si j’étais resté dans ma famille, je serais toujours dans ma misère. J’aurais végété. C’est la Fondation qui m’a sorti de tout ça, grâce à l’internat. Une coupure. La scolarité est excellente, mais le plus c’est l’encadrement. On a des éducateurs qui savent nous parler, nous écouter, nous rassurer. Et puis ils ne nous laissent pas tomber une fois le diplôme obtenu à travers le RAP ( !) (Relais d’accompagnement personnalisé) ».
Julien, 25 ans, en première, qui passera l’an prochain un bac professionnel travaux paysagers. De son propre aveu il revient de loin :
« Les apprentis d’Auteuil sont les seuls à ouvrir la porte à des jeunes comme moi qui n’ont leur place nulle part. Mes parents se sont séparés quand j’avais un an et j’ai grandi dans une cité de Seine-et-Marne avec ma mère. En sixième, j’ai commencé à décrocher, à dériver : mauvaises fréquentations, juge pour enfants, foyer protection judiciaire de la jeunesse. Vers 16 ans, j’ai découvert le monde des free-parties, des gens qui vont de festival en festival, vivent de mendicités ou de menus trafics et consomment pas mal de stupéfiants. (…)
Et puis à 23 ans, il y a eu deux évènements décisifs : la rencontre avec la femme que j’aime…et une longue garde à vue pour trafic de drogue. Double électrochoc et prise de conscience. J’ai arrêté la drogue (je suis un traitement de substitution) et, sur les conseils de ma femme, j’ai repris mes études. Mais qui veut accepter quelqu’un de 23 ans qui a quitté l’école en troisième ? A part la Fondation, je ne vois pas. Ce qui est particulier ici c’est que, par rapport à une scolarité classique, l’humain passe avant la réussite. Ce qui nous réunit, c’est le fait d’avoir trouvé une seconde famille ».
Que retenir de cet émouvant reportage ?
1. Lorsque je parlais dans mon billet précédent de métier, d’éducation et de formation ou encore d’art et de culture, je ne pensais pas trouver meilleure illustration que celle-ci.
2. La difficulté de certains jeunes n’est pas seulement liée à des conditions matérielles difficiles mais aussi, et surtout parfois, à des situations familiales dégradées (ruptures, familles monoparentales,…).
3. Les moyens mis en œuvre n’expliquent pas tout : c’est l’humain qui compte le plus dans le succès de cette institution.
4. Le fait que cette Fondation ait pour origine une démarche de caractère spirituel n’est sûrement pas étranger à sa longévité et à son succès.
5. Apprentissage d’un métier et apprentissage de la vie loin de s’opposer se complètent à merveille : effort, discipline, endurance, goût du travail bien fait, implication, partage, etc.
Quels enseignements peut-on en tirer pour notre bonne ville d’Aulnay et sur un plan plus général ?
1. La ville d’Aulnay possédait au début du siècle un magnifique château qui hélas fut supprimé par des gens qui se croyaient peut-être « progressistes » en détruisant un patrimoine ancien. Lequel, aujourd’hui, aurait pu être utilisé par une Fondation pour l’art, la culture ou la formation.
2. La ville d’Aulnay abrite un laboratoire de recherche et une usine, par ailleurs très belle sur le plan architectural, appartenant à une société de cosmétiques de grand renom dont la principale actionnaire, aujourd’hui fort âgée, possède une fondation dont la vocation est ou devrait être d’aider ces jeunes en difficulté.
Après avoir fait la une de l’actualité, cet été, en de sombres affaires familiales ou fiscales, ou en libéralités qui ne lassent pas de surprendre, et après un dénouement heureux permettant à cette dame de récupérer quelques 600 à 700 millions d’euros de contrats d’assurance-vie, je propose donc qu’une partie de cet argent soit investi dans la création à Aulnay d’une Fondation de la seconde chance Liliane Bettencourt.
Je pense que les réserves foncières situées dans les quartiers Nord de la Ville, permettraient sans difficulté de construire un beau bâtiment muni d’un grand jardin et pouvant accueillir une telle structure. Mais, qui saura reprendre une telle idée ?
3. L’ampleur des déficits et des insuffisances en matière d’éducation plaide pour la création d’une Maison des parents qui permettrait un échange et un dialogue entre parents, entre parents et formateurs. Une telle initiative pourrait accueillir des fonds publics, notamment européens, mais aussi des fonds privés.
4. Par rapport à d’autres pays, (Etats-Unis, par ex.), la France est encore assez en retard pour encourager, favoriser et mettre en avant les initiatives de fondations d’entreprises ou de personnes privées, dont l’appui serait pourtant précieux pour mettre en œuvre des politiques d’accompagnement ciblées dans le domaine de l’éducation et de la formation. Or, échappant au carcan bureaucratique, de telles structures pourraient permettre d’innover sur le plan de la formation ou de fournir un cadre plus propice à l’insertion de jeunes en difficulté.
5. A l’image des B.Gates ou W. Buffet, les grandes entreprises et les grandes fortunes françaises seraient bien inspirées d’œuvrer non seulement dans le domaine de l’art et de la culture, mais aussi dans celui de la formation et de l’insertion de ceux qui méritent assurément une deuxième chance. Cet investissement socialement utile permettrait alors peut-être de réconcilier les Français avec l’argent.
6. Notre pays est un peu comme un peloton du tour de France : si quelques échappés suivant le train de la mondialisation se détachent, il n’est pas bon qu’une large partie du milieu du peloton ait du mal à suivre et que l’arrière soit décroché (surtout si par endroit, il atteint 20 à 3O%).
7. L’Etat, bien entendu, ne doit pas être absent d’un tel phénomène, et il n’est pas douteux que l’éducation et la formation doivent être sa priorité. Et l’on cite souvent alors le problème des moyens. Mais il ne faut pas oublier, pour autant, ni celui de leur utilisation, ni celui des structures, ni celui des méthodes.
Voilà, quelques méditations que je souhaitais partager avec vous, à deux pas de Noël et de la nouvelle année. C’est bien la période des vœux, non ?
Veritis.