La démocratie, dans quel état ? (3/3)
Publié le 3 Avril 2011
Mais ces oligarques au fait, qui sont-ils, comment opèrent-ils pour asseoir leur pouvoir et faire plier les Etats ? Car il ne s'agit pas de fantasmer une organisation secrète qui comploterait dans l'ombre afin de liquider les démocraties. Non. Ce sont avant tout les acteurs d'un système, qui évoluent dans différentes sphères, qu'elles soient économiques, financières, politiques, médiatiques, intellectuelles, culturelles. Il ne s'agit donc pas d'un groupe social homogène et organisé mais de différents acteurs qui, du fait de leur position sociale, entretiennent d'étroites relations.
C'est ce que montrent Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot dans leur livre Le Président des riches. A partir d'une enquête sur le terrain hexagonal, les sociologues dévoilent les pratiques relationnelles de nos élites actuelles, qui se côtoient, organisent des rencontres les uns avec les autres, à l'occasion d'une soirée, d'un déjeuner, d'une fête etc., et développent un "collectivisme pragmatique" leur permettant de promouvoir et d'assurer leurs intérêts personnels (et pécuniaires). Et l'intérêt général ? Bof, ça rapporte quoi ?
Et bien cela pourrait permettre d'éviter une dérive sécuritaire et autoritaire de l'Etat, qui ruinerait définitivement nos pratiques et aspirations démocratiques, comme l'analyse Anne SALMON dans son essai Les nouveaux empires, fin de la démocratie ? L'auteur interroge ici les rapports entre l'économique et le politique et le rôle de la puissance publique face à la (trop grande) puissance économique. Il est nécessaire de réguler l'économie, nous dit la sociologue, et pour ce faire l'Etat doit reprendre ses prérogatives de régulateur social.
Voilà donc de quoi alimenter notre réflexion sur l'état actuel de notre démocratie. Si la dérive oligarchique observée et analysée à travers ces cinq essais - d'œuvres de sociologues, économiste ou journaliste - remet en cause le principe même du système démocratique, sa structure reste néanmoins opérationnelle. Nous avons encore des institutions qui garantissent des droits et des libertés, nous avons toujours des capacités d'action, d'organisation, de mobilisation, d'imagination.
L'exemple récent des soulèvements populaires dans plusieurs pays arabes est d'ailleurs là pour nous rappeler que le fatalisme n'existe pas, quelle que soit la forme du pouvoir en place. Bien sûr, l'équilibre des forces est toujours fragile, et l'imperfection des systèmes politiques révèle toujours sa composante humaine.
Alors, citoyens, citoyennes, à vous de jouer...
Source : Aurélien Picot Gazette de Folies d'encre. Avril 2011.