L'Odyssée des cantonales (38) : la Seine-Saint-Denis dans le piège des emprunts toxiques (2/4)
Publié le 24 Mars 2011
Le 24 janvier dernier, le taux d'intérêt sur un prêt de 10 millions d'euros consenti à la Seine-Saint-Denis est passé de 1,42 % à 24 %. La bombe à retardement des emprunts toxiques s'est enclenchée et menace le département d'énormes pertes potentielles.
Des milliers de collectivités concernées...
Coincé, le conseil général a donc décidé d'attaquer trois banques en justice pour faire annuler 5 contrats. Une première. Dexia, Crédit Agricole-CIB (ex-Calyon) et l'irlando-allemand Depfa Bank, parmi la dizaine de banques créancières, viennent de recevoir leurs assignations. "Et ce n'est qu'un début !", affirme-t-on à Bobigny. Son angle d'attaque : des produits trop complexes pour être compris par le souscripteur et un défaut de conseil de la part des banques envers la présidence communiste. A preuve, "sur certains prêts, la charge d'intérêt aurait été deux fois moindre avec un simple emprunt en Euribor !", tempête Claude Bartolone.
En attaquant, l'élu socialiste met d'abord la pression sur les banques pour tenter d'arracher une transaction. "Il négocie ne coulisse, car il y a des choses dans les dossiers", affirme un avocat. Pour l'heure, les prêteurs sont intraitables. "Pour sortir d'un prêt de 84,5 millions d'euros, l'indemnité à leur payer est de 59 millions !", s'énerve Philippe Yvin. L'objectif est également de faire jurisprudence, car "les emprunts toxiques des collectivités locales sont en passe de devenir un gros problème récurrent national", explique un expert financier du secteur.
Leur montant global est évalué - avec beaucoup de prudence - entre 12 et 15 milliards d'euros sur 120 milliards d'endettement global, et le nombre de leurs victimes ne cesse de croître. Une vraie liste à la Prévert : si le "9-3" et la mairie de Saint-Etienne sont à l'avant-garde du combat, on cite aussi les communes de Saint-Maur ou de Ploeren, dans le Morbihan, l'hôpital d'Ajaccio, le port du Havre, le service départemental des pompiers de l'Ain... Des milliers de communes seraient touchées - et notamment des petites -, tout comme 18 régions, 62 départements, des centaines d'hôpitaux et largement plus de 100 sociétés d'HLM. "Les banques ont ratissé large", ironise un expert qui s'insurge qu'elles aient même souvent "refourgué des prêts sur trente-cinq ans". Difficile d'établir un tableau exhaustif toutefois, faute de remontées : "Il est difficile de faire la publicité de ses propres erreurs, surtout quand les mêmes équipes sont encore en place", ironise-t-on à l'Association des maires de France.
A suivre épisode 3 : tout commence par le meilleur...
Source : Daniel Bastien Les Echos du 21/02/2010