Des hommes sans sur-moi ou la société du bon plaisir….

Publié le 13 Avril 2013

interdire.jpgJe viens d’une génération qui, par provocation devant la pesanteur des ordres établis et des mœurs corsetés, s’est écriée joyeusement : « Il est interdit d’interdire ! ». Ce slogan, compréhensible à l’époque, a permis de libérer la société de carcans fortement préjudiciables à l’épanouissement des individus. Encore aujourd’hui, nous en bénéficions tous à un degré ou un autre.

Mais comment ne pas voir, dans l’intervalle, le mauvais usage qui a pu être fait d’un tel slogan ?

Aucune société, en effet, ne peut fonctionner sans règles et d’abord des règles intérieures et personnelles.  Aucune éducation ne peut, non plus, se faire sans effort et sans référence à des valeurs. A trop l’oublier, on assiste ainsi, trop souvent, à un délitement des mœurs, des comportements, des attitudes et malheureusement, du « haut en bas de l’échelle » comme l’on dit trop communément. Tout le monde en pâtit et le vivre ensemble est tout simplement menacé.

Quand les fautes et les laxismes du « haut » servent de paravents ou de prétextes pour faire de même « au milieu » ou en « bas », les choses n’ont plus de sens et la société court à sa perte, emportant alors tout le monde vers un inconnu fatalement dangereux, porte ouverte à tous les extrêmes et toutes les violences. Il est donc temps de réagir avant qu’il ne soit trop tard. Mais il est bon, aussi, de comprendre de quoi il s’agit. Afin de ne pas se tromper de diagnostic et donc de solution.

Prenons quelques exemples, venus d’en haut.

Il n’y a pas si longtemps, un Président de la République (en l’occurrence, F. Mitterrand) déclara, tous les six mois, pendant quatorze ans de faux bulletins de santé, sans aucune vergogne et cacha à la France entière, l’existence d’une fille morganatique, entretenue par les deniers de l’Etat. Pour des raisons que l’on comprend fort bien, mais, précisément, où commence et où finit un mensonge d’Etat ?

Il y a, deux ans à peine, un candidat putatif à la Présidence de la République (en l’occurrence D.S.K.) imaginait, en toute légèreté, qu’il pouvait continuer à mener une vie pour le moins « dissolue » et prétendre aux plus hautes fonctions de l’Etat. Imaginait aussi qu’il pouvait avoir une vie de « nabab », tout en se prétendant socialiste…Bref, comme le disait un psychanalyste, un « homme qui voulait tout » !

Il y a, quelques jours, à peine, un ministre de la République (en l’occurrence, J. Cahuzac) prétendait pouvoir être le patron de la lutte contre la fraude fiscale en France, alors  qu’il était lui-même un fraudeur patenté depuis vingt ans, en mentant, en toute impunité, devant la France entière.

Quoi de commun à tout cela ? Une absence totale de « sur-moi ». C’est à dire, le sentiment d’être au-dessus des lois. Le sentiment de pouvoir échapper au sort et aux règles qui s’imposent à tous. D’être au-dessus des codes de la morale et de la vie en société. A contrario, la manifestation d’un désir de jouissance sans borne : du pouvoir, de l’argent, et du sexe (pour au moins les deux premiers). Ou, en d’autres termes, la poursuite de son bon plaisir, si possible en toute impunité, et loin des foules dont, pourtant, on sollicite les suffrages.

Comment ne pas voir, ici, poussé à l’extrême, et à une échelle individuelle paradigmatique et paroxystique, l’équivalent symbolique de tous les ressorts sans fin d’une société de consommation qui nous dit que tout est possible, tout est désirable, tout, tout de suite, sans frein, sans retenue, sans limites !

Tous les ressorts d’une société qui a atteint, selon les mots de Marx, lui-même, le stade de la « réification » c’est-à-dire un stade où la marchandise est devenue tellement reine qu’elle englobe tout, à tel point que l’homme lui-même est transformé, en « homme objet », précisément objet des pulsions infinies qui le traversent.

Or, nous savons bien qu’une telle société n’est, au sens strict du terme, pas vivable car elle subit les pulsions tyranniques et destructrices tant de l’individu que de la société toute entière. Etonnez-vous après cela des incivilités en chaîne, des fraudes et magouilles diverses, des violences quotidiennes, des envies et des jalousies de toutes sortes, de la faiblesse des vrais repères et de l’absence de respect quasi généralisé.

Tout est fait, dans ce contexte, pour affaiblir la conscience des citoyens, et pas seulement leur conscience morale. Lorsque l’on voit que c’est le plus malin, le plus hâbleur, le plus manipulateur, voire le plus « tueur » qui s’en sort, en politique ou ailleurs, on est vraiment loin du compte ! Mais c’est précisément, sur le lit de tels phénomènes qu’une nouvelle conscience peut surgir.

Des expérimentations nouvelles, des micro initiatives individuelles ou collectives émergent alors dans la société civile, bien loin de cette politique traditionnelle qui n’entre plus dans les valeurs et les codes nouveaux dont se dotent leurs initiateurs  Bien  éloignés d’un certain petit « milieu » politique professionnel en perte de vitesse, ils réinventent ainsi les éléments d’un monde nouveau où la « polis » ou « vie de la cité »  se régénère en autant d’espoirs pour demain.

Tout cela vous paraitra peut-être un peu abstrait, pourtant, il n’y a rien de plus concret ou prometteur pour l’avenir de notre société. Une société où le « sur-moi », sans être omniprésent,  ne serait pas aboli pour autant. Une société où le bon plaisir aurait cédé la place à un vrai plaisir de vivre ensemble. Certains ont appelé cela la Fraternité. Mince, une utopie de plus !...

Veritis

Rédigé par Veritis

Publié dans #Le Billet de Veritis

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