Climat : l'agriculture a une carte à jouer... (Partie 1/2)
Publié le 23 Décembre 2009
Du 7 au 18 décembre, la communauté internationale s'est réunie à Copenhague. L'objectif était de trouver un accord mondial sur le climat pour succéder au protocole de Kyoto dès 2013. Le monde agricole est concerné à double titre par la problématique du changement climatique. D'abord, parce qu'il en subira les conséquences. Ensuite, parce qu'il contribue à la fois à l'émission et à l'absorption des gaz à effet de serre incriminés dans le réchauffement de la planète.
Les négociations internationales ont porté sur un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et sur des aides à octroyer aux pays en développement pour s'adapter au changement climatique. A travers l'adoption du Paquet énergie-climat, fin 2008, l'Union européenne (UE) s'est déjà engagée à réduire ses émissions de 20% d'ici à 2020 par rapport à 1990. L'objectif serait porté à 30% si les principaux pays partenaires consentaient de leur côté à un effort conséquent. L'idée est de limiter les conséquences du réchauffement amorcé, en freinant l'accumulation dans l'atmosphère de différents gaz dus aux activités humaines, qui absorbent l'énergie solaire. Au premier rang des accusés figurent le dioxyde de carbone (CO2), mais également le méthane (CH4), et le protoxyde d'azote (N2O). Selon l'organisation météorologique mondiale, leur concentration n'a cessé d'augmenter dans l'atmosphère depuis le début de l'ère industrielle et la concentration en CO2 croît à la cadence exponentielle de +0,5% par an.
Or, le climat ne peut évoluer sans d'importantes répercussions sur la production agricole. "De manière générale, le CO2 stimule la photosynthèse, indique Bernard Seguin, responsable de la mission Changement climatique et effet de serre à l'Inra d'Avignon. C'est plus vrai pour les espèces des milieux tempérés (blé, betterave, riz...) que pour les espèces tropicales (maïs, sorgho...)". Certaines études récentes remettent cependant en cause l'effet bénéfique du CO2.
La hausse de température agit à deux niveaux. "Une hausse modérée d'un ou deux degrés permettrait, dans les régions du Nord, d'atteindre l'optimum thermique pour la photosynthèse, mais elle tendrait aussi à raccourcir le cycle de croissance des végétaux, souligne Bernard Seguin. Ce qui pénaliserait la productivité des cultures annuelles, mais serait plutôt favorable aux forêts et cultures pérennes qui n'ont pas de cycle prédéterminé". Avec l'augmentation globale de l'évapotranspiration et un accroissement des contrastes dans la répartition des pluies, les végétaux risquent d'être plus exposés aux stress hydriques. "Globalement, on peut s'attendre à une stimulation de la production de 10 à 20% dans les zones tempérées pour une hausse de 1 à 2°C, puis à une chute si l'on va au-delà. Dans le Sud, le changement climatique aurait des effets négatifs, jusqu'à moins 50% de la production à la fin du siècle.
Ce partage Nord-Sud établi au niveau mondial se retrouve assez bien à l'échelle de la France, qui se situe à la charnière entre ces deux grandes zones climatiques". Par prudence, les scientifiques préfèrent se montrer plus pessimistes que les modèles. " Tout en ayant confiance dans les modèles, nous ne sommes pas certains qu'ils reproduisent bien ce qui va se passer dans des conditions jamais expérimentées, comme des gammes de températures de 40 à 45°C, admet Bernard Seguin. En outre, les modèles donnent des prévisions de moyennes, mais les évènements extrêmes peuvent être fréquents". La crainte porte également sur les accidents climatiques (sécheresses, inondations...).
Le réchauffement pourrait aussi entraîner une migration des zones de culture. Avec des impacts sur la notion de terroir, notamment pour les vignes et les productions AOC. Concernant les prairies, "la composition botanique pourrait être remaniée, indique Jean-François Soussana, spécialiste des écosystèmes prairiaux à l'Inra de Clermont-Ferrand. La qualité des fourrages peut être modifiée, l'augmentation du CO2 atmosphérique pouvant influer sur les teneurs en sucres solubles et en matières azotées". Enfin, un autre corollaire du réchauffement pourrait être l'extension des zones de propagation des maladies et ravageurs.
A suivre seconde partie : l'Agriculture facteur d'équilibre des flux de gaz à effet de serre...
Source : Bérengère Lafeuille, La France Agricole, 4 décembre 2009, Hebdomadaire n°3312.