Aulnay-sous-Bois : enthousiasme et prudence chez les salariés de PSA après la suspension du plan de restructuration
Publié le 30 Janvier 2013
«Ça fait un point pour nous, zéro pour PSA », lâchait hier un gréviste de l’usine d’Aulnay. Comme ses collègues, il a appris la nouvelle en matinée, sous la pluie, devant le siège parisien du constructeur automobile, où se tenait une séance de négociations. La cour d’appel de Paris a ordonné « la suspension de la restructuration » au sein du groupe automobile, « jusqu’à la mise en œuvre de procédures régulières d’information-consultation » du comité central d’entreprise de la filiale d’équipement Faurecia et des comités d’entreprise des sites d’Auchel et Méru. C’est ce que demandait la CGT de Faurecia. Le syndicat estime en effet que le plan social de PSA (8000 suppressions de postes annoncées) aura nécessairement un impact au sein de Faurecia, et que les représentants du personnel doivent donc être informés, comme l’ont été ceux de la maison mère le 25 juillet dernier.
Alors, « victoire syndicale » ou pas ? Hier, les interprétations étaient pour le moins divergentes. « La procédure n’est pas suspendue. Il suffit que Faurecia convoque son comité central d’entreprise, qui peut se tenir sous une dizaine de jours », martèle un porte-parole de PSA. Selon lui, l’arrêt vise le plan lui-même, et non la phase de consultations préalable. Il ne remet donc pas en cause le calendrier des discussions chez PSA (censées se terminer au printemps). Pour l’avocat de la CGT, Fiodor Rilov, en revanche, il faut bel et bien que PSA présente un nouveau plan à ses syndicats : « Il faut que tous les élus reçoivent l’information dans son ensemble, avec un volet Faurecia. » Ce qui supposerait de reprendre les discussions… à leur début.
Les grévistes de l’usine d’Aulnay (censée fermer en 2014) ont accueilli la nouvelle avec un mélange d’enthousiasme… et de prudence. « C’est une victoire », assure le délégué SUD Mohamed Khenniche, qui veut même « faire reculer PSA sur la fermeture de l’usine ». « On gagne du temps, estime de son côté Jean-Pierre Mercier, de la CGT. De quoi obliger la direction à repartir sur de vraies négociations, sur la base des revendications des salariés. » A quelques kilomètres de là, le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, exprimait un point de vue plus mesuré, lors d’un débat sur l’industrie automobile à Carrières-sous-Poissy : « La justice évoque un vice de forme dans la procédure. Cela ne va pas remettre en cause le plan social qui sera retardé. Le groupe PSA va s’adapter. »
Parmi les manifestants venus à Paris, on avait un sentiment de « petit soulagement », de petite revanche aussi. « La justice est rarement du côté des ouvriers, et tout le monde soutient PSA », glisse Mohamed, ouvrier du montage. « Mais ça ne va rien changer, juge Ahmed, opérateur de 38 ans. La direction veut appliquer son plan coûte que coûte. »
Presque émue aux larmes, une jeune employée de l’atelier peinture, non syndiquée, secoue la tête. « On est en sursis, mais l’épée est toujours au-dessus de nos têtes. » Son mari aussi travaille à l’usine, et le couple habite trop loin pour envisager une mutation à l’usine de Poissy (Yvelines). Alors, ce qui la préoccupe aujourd’hui, c’est le montant de la prime de reclassement : « J’ai trop donné pour qu’on me mette à la porte avec une misère. On nous dit que, ce qui compte, c’est de retrouver un emploi, mais il y a des millions de chômeurs! »
Les avancées dans les négociations de la matinée, sur les primes de reclassement, de mobilité, les primes seniors, ont finalement davantage retenu l’attention. Et pour obtenir encore davantage, un jeune manifestant croisé sous la banderole aulnaysienne n’avait qu’une recette : « Continuer la grève. » Le mouvement, qui n’est soutenu que par la CGT, SUD et la CFDT locale, a encore très largement paralysé la production au sein de l’usine d’Aulnay hier.
Source : Le Parisien