Abeilles road...
Publié le 29 Octobre 2009
Il y a quelques semaines, en prenant les transports en commun un matin, je tombais sur un court article paru dans un journal gratuit intitulé : "le frelon d'Asie menace...". En parcourant les lignes je découvrais qu'au Blanc-Mesnil un nid de ces frelons asiatiques avait fait son apparition. L'info a même fait les titres du vingt heures deux jours plus tard. Il faut dire que la menace est sérieuse, puisque cette espèce est un prédateur redoutable des abeilles, dont on sait qu'elles sont déjà grandement fragilisées...
En faisant quelques recherches sur le web, le constat semble sans appel. Partout dans le monde, le taux de mortalité apicole atteint des records. Les chiffres donnent même le tournis. De la fin de l'année 2006 à la fin de l'hiver 2007 : perte de 60% des colonies aux USA et jusqu'à 90% dans certains Etats, 40% des ruches se sont vidées au Québec, 25% des colonies sont décimées en Allemagne, idem à Taiwan, en Suisse, au Portugal, en Grèce et dans de nombreux pays d'Europe.
Les symptômes que présentent les abeilles sont multiples : malformations, troubles du système nerveux, désorientation, troubles du comportement. Certaines ne retrouvent pas leur ruche et d'autres en sont refoulées parce que non reconnues par le reste du groupe. Les causes sont complexes et il semble difficile de désigner avec certitude un responsable unique. Néanmoins, l'activité humaine, notamment à travers une industrialisation mal contrôlée et l'usage de produits chimiques dans l'agriculture, n'arrange sans doute rien à l'affaire.
Du reste, et c'est presque l'ironie de la situation, ce frelon d'Asie est parvenu en France à la suite de l'importation de poteries en provenance de Chine. Arrivée fin 2004 dans le Sud Ouest, cette espèce semble se propager au nord et au sud. Henri Clément, président de l'Union Nationale de l'Apiculture Française (UNAF) déclarait d'ailleurs que l'arrivée de ce type de frelon en île de France n'était pas prévue aussi rapidement. Depuis 2004, on estime que le frelon asiatique a tué des centaines de milliers d'abeilles en France. Il est vrai qu'il suffit de cinq ou six frelons pour décimer une ruche entière d'abeilles.
Quand on pense à disparition d'abeilles on pense tout de suite à disparition du miel, mais les conséquences vont évidemment bien au-delà car c'est la chaîne qui relie l'animal au végétal qui se trouve déréglée. Pas d'abeilles signifie pas de pollinisation donc disparition de certaines espèces végétales et donc disparition de certaines espèces animales. En résumé, c'est l'écosystème qui est menacé.
Le traitement partiel de l'info par ce journal gratuit m'a agacé, parce qu'il semblait désigner un coupable idéal, le frelon asiatique en l'occurrence, parlant d'invasion et d'éradication nécessaire, alors que cette espèce n'est qu'un facteur aggravant d'un phénomène dramatique dans lequel la responsabilité de l'homme est évidemment flagrante. Du reste, le monde animal n'a pas franchement prospéré depuis que l'homme est à la tête de la chaîne alimentaire.
Pour illustrer ce sentiment, j'ai un souvenir précis. C'était un dimanche matin, tout prés du marché de la gare d'Aulnay. Des hauts parleurs hurlants annonçaient la présence d'un cirque dans les parages. Pour attirer le chaland, des lions en cage étaient là, subissant à la fois le bruit d'une musique stridente entrecoupée de "mesdames et messieurs, spectacle extraordinaire !" et la foule des hommes venus les observer comme des bêtes curieuses.
Devant ce spectacle j'avais la nausée. Bizarrement, j'ai croisé le regard d'une personne inconnue et j'ai compris que nous pensions la même chose, à savoir que bien que nous ne soyons pas dans des cages, nous étions sans doute nous-mêmes aussi un peu prisonniers... C'est à ce souvenir que j'ai repensé en prenant le RER B ce matin là. Entassés dans le wagon, j'observais tous ces visages inconnus, rarement souriants, comme anesthésiés, se rendant je ne sais où, probablement au boulot, presque en automates.
Je me demandais si dans notre système basé sur la performance et la rentabilité, il y avait encore la place pour être heureux et épanoui. Parfois les chaînes sont invisibles et il est difficile de mettre des mots sur les maux. La souffrance est d'autant plus grande. J'ai regardé par la fenêtre du train, pour tenter de m'accrocher à quelque chose pour me rassurer, mais je n'ai rien trouvé pour chasser mes doutes... Même pas une abeille...
Stéphane Fleury
sources à propos des abeilles : www.science.gouv.fr ; www.cite-sciences.fr ; www.vivez-nature.com