Un lundi soir sur la terre...
Publié le 14 Mai 2009
Cette semaine, ce Lundi 11 Mai précisément, s'est tenue au réfectoire du foyer Dumont une réunion organisée par les Verts sur le thème de la ville écologique ou comment associer urbanisation et écologie. Je précise pour les esprits un peu trop vifs que je ne suis pas adhérent du parti Vert, mais le thème de cet atelier, dont j'ai eu connaissance fortuitement en parcourant la blogosphère aulnaysienne, a suscité mon attention. Les propos qui suivent sont ceux d'un simple observateur neutre mais curieux.
La soirée commence par la projection d'un film sur le ville de Fribourg en Allemagne. Peuplée d'environ 200000 habitants, cette citée, située au pied de la Forêt-Noire à une cinquantaine de kilomètres de Colmar, se veut un modèle de ville écologique. Cette orientation volontariste est issue d'un combat mené contre l'installation d'une centrale nucléaire à proximité de la ville dans les années 70. A cette occasion, toute la région, toutes les classes sociales ont manifesté contre ce projet, allant jusqu'à occuper le futur site de construction en logeant dans des caravanes. Cette mobilisation n'aura pas été vaine puisque cette centrale ne sera jamais construite. Dés lors, la ville s'est posée la question du comment produire autrement, en protégeant l'environnement. D'abord dans un souci de protection de la Forêt-Noire soumise aux pluies acides, mais également dans un souci économique puisqu'il s'agissait de préserver le caractère touristique de la région. C'est ainsi que des investissements substantiels ont été engagés dans les énergies renouvelables. Fribourg a tout misé sur la qualité de vie des habitants. En réhabilitant les vieux logements trop gourmands en consommation d'énergie, en construisant du nouveau logement écologique et économique, en assurant des moyens de transports réellement alternatifs à la voiture. Les habitants de Fribourg ont à disposition 400 kilomètres de pistes cyclables, et les transports publics ont été pensés avant les constructions pour un maximum d'efficacité et d'incitation à les utiliser (c'est le cas du tramway notamment).
Plusieurs exemples concrets nous sont ensuite présentés pour illustrer l'intérêt d'une ville écologique. Un hôtel utilise un surplus d'énergie produit par les éoliennes d'une ville voisine ( il n'y a pas obligation comme en France de vendre son surplus d'électricité produite à EDF), des panneaux solaires, des pompes à chaleur, et une chaufferie avec des granulés de bois. Tout est fait pour éviter le recours aux énergies fossiles ( pétrole). Ce qui est intéressant est que cette démarche est à la fois bonne pour l'environnement (moins d'émissions de CO²) et bonne pour le porte-monnaie. S'il fallait attendre 45 ans auparavant pour un retour sur investissement en installant des panneaux photovoltaïques, ce délai est aujourd'hui d'environ 10 ans. Au bout de 20 ans, c'est même une économie de 25000 euros qui sera réalisée.
L'exemple le plus spectaculaire donné par cette ville est celui du nouveau quartier Vauban. Construit sur une ancienne caserne abandonnée par l'armée dans les années 90, la manière dont ce projet a été géré parait presque irréelle ou digne d'un conte de fée. Les logements qui composent ce quartier suivent des normes strictes de construction, les normes HQE (Haute Qualité Environnementale), de sorte qu'ils produisent plus d'énergie qu'ils n'en consomment. Le tracé du tram a été pensé en amont pour garantir une desserte optimale avec le centre-ville. Dans le même temps, les places de parking privées ont été volontairement limitées pour inciter à abandonner la voiture et réserver des espaces publics organisés pour le jeu des enfants notamment. Le plus ahurissant est que les futurs habitants du quartier ont pu s'organiser en groupes de travail pour élaborer les plans de leurs futures habitations, le choix des matériaux de construction, les financements les mieux adaptés, en concertation avec l'office d'urbanisme et les élus locaux. Tiens, cela me fait penser qu'un groupe de travail vient d'être constitué pour l'aménagement du terrain de la rue des Saules. Coïncidence ? Espérons que le résultat sera aussi spectaculaire pour les riverains et les élus. ( C'est promis dans ma prochaine note je ne parlerai pas de la rue des Saules !).
En conclusion du reportage, un habitant du quartier nous présente d'ailleurs son 90 mètres carrés. Construction en bois, orientation plein sud, isolation thermique (épaisseur des murs 47cms avec 35cms d'isolation), triple vitrage (gaz xénon inerte) avec une couche réfléchissante à infrarouge sur les fenêtres. Il évoque sa note de chauffage : 114 euros annuels !!! Malgré un léger surcoût dans la construction de la maison (7% en plus) le retour sur investissement est garanti. Voici donc le couple gagnant : l'écolo-maison, qui n'émet pas de CO² et donc bonne pour l'environnement, et l'éco-maison, qui sert à économiser de l'argent et donne du pouvoir d'achat. Du reste, si les prix du pétrole venaient à augmenter à nouveau dans le futur il est fort à parier que bon nombre de ménages habitant dans des logements des années 70 et se chauffant au gaz ou au fioul ne pourraient plus à terme payer leur facture énergétique.
On rappellera au final quelques chiffres : les anciens logements des années 70 de la ville de Fribourg consommaient pour le chauffage 200kWh par mètres carrés par an. Le standard actuel en Allemagne se situe aux alentours de 70kWh. En France nous en sommes actuellement à 240kWh. Les bâtiments français sont responsables de 42% de nos émissions de CO². Un touriste allemand qui apparait dans le reportage ironisait gentiment sur nos soit disant pistes cyclables et estimait notre retard par rapport à l'Allemagne sur les questions environnementales à une vingtaine d'années. Une simple donnée du reportage donne le vertige : il y a autant de panneaux photovoltaïques dans la ville de Fribourg que dans la France entière.
Ainsi, la ville de Fribourg fait figure de capitale écologique de l'Allemagne. Une révolution verte y est née il y a 25 ans à l'issue d'un combat contre l'installation d'une centrale nucléaire. Depuis, le développement durable y est devenu une priorité. La consommation d'énergie issue du nucléaire est passée de 60% à 30%. Les énergies renouvelables atteignent aujourd'hui 5%. L'ambition locale est d'arriver à 10% dans moins de cinq ans.
Voici en substance les données qui nous ont été présentées pour réfléchir et alimenter la suite du débat pour la soirée. Ce qui a suivi m'a un peu déçu je dois l'avouer. On a fait circuler le micro pour que chacun s'exprime alors que je m'attendais plus à un atelier thématique dirigé avec des sujets précis, bien présentés et développés sur par exemple comment combler notre retard en France. Comment les élus locaux peuvent-ils construire écologique et économique dans leur ville ? Je suis passé devant les nouveaux logements des 3000 cet après-midi, et devant les pavillons dits de l'arc en ciel hier... Il ne me semble pas avoir vu de panneaux solaires. Pourquoi ces logements ne sont-ils pas autonomes en matière de consommation d'énergie (chauffage, eau chaude, production excédentaire d'énergie) ? Et le fameux bâtiment de la rue du 14 Juillet, quelle est sa consommation énergétique ? Est-elle dans les standards allemands ?
Si le rythme de rénovation des vieux logements ne s'accélère pas, et qu'en plus on ne construit pas efficace en associant écologie et économie dans le nouveau bâti, l'enjeu majeur, à savoir la lutte contre le réchauffement climatique, n'est pas prêt d'être surmonté. Peut-être avons-nous déjà perdu la bataille ? La fonte des glaces et les terribles conséquences induites par la montée des eaux à laquelle seront confrontés bon nombre d'habitants de la planète semblent alors une échéance fatale... Il faut donc se résigner...
Je ne suis pas fataliste et je ne souhaite pas jeter l'éponge, mais j'ai senti dans la parole des Verts présents, des difficultés pour sensibiliser à la fois le public mais aussi les politiques au thème de l'écologie. Un Vert disait que c'est un combat quotidien pour se faire entendre. Il faut vraiment lutter pour faire de petites avancées. La France serait-il un vaste champ d'obstacles (juridiques et financiers) ? La notion d'habitat groupé a du mal à y émerger. La mixité sociale est parfois difficile à installer, on est plus dans la cohabitation forcée. Certains se demandent comment mobiliser les gens ? On évoque des problèmes de culture, d'éducation, de formation, qu'il faut faire un travail sur les mentalités. Le pouvoir du citoyen allemand serait supérieur à celui du citoyen français, dit-on. En résumé, ce n'est pas gagné.
D'ailleurs les Verts français placent beaucoup d'espoirs dans l'Europe. Ils espèrent que des pays dans lesquels les Verts ont plus de poids politique pourront peser de fait sur l'ensemble de la communauté européenne et ainsi imposer des normes environnementales plus strictes que la France devra appliquer. Le Portugal, par exemple, ambitionne de se passer totalement des énergies fossiles d'ici 2020 en misant sur l'éolien et l'utilisation des marées. Quelle est l'ambition de la France ?
Ainsi, grâce à l'Europe, pourra-t-on peut-être espérer localement pouvoir concevoir autrement les quartiers et parler d'éco-quartiers. Un autre représentant des Verts évoque même la nécessité d'un plan Marshall pour l'environnement. Il faut tout miser sur les énergies renouvelables, former les gens à fabriquer des panneaux solaires ou aux autres techniques environnementales, ce qui créerait environ dix millions d'emplois à l'échelle européenne estime-t-il. Une sacrée mutation professionnelle en perspective et des financements à trouver pour l'accompagner.
Je sors frustré de cette soirée, presque avec une rage sourde au cœur. Parce que je sens bien que tous individuellement nous avons bien conscience des conséquences que notre comportement environnemental aura tôt ou tard sur la planète et évidemment sur nous. Mais quelle est la méthode pour que cette conscience individuelle devienne conscience collective et qu'au niveau les plus hauts des Etats on mette à plat les choses pour identifier les priorités, les dangers et les plans d'action à mettre en place avant qu'il ne soit trop tard.
J'aimerais néanmoins terminer sur une note positive. Ecrire que des choses se font. Les espaces verts de la ville d'Aulnay sont gérés dans un souci d'économie d'eau. On utilise le paillage pour la rétention d'eau. On annonce l'ouverture de jardins partagés à la Roseraie avec des systèmes de récupération des eaux de pluie, un peu comme ce qu'il s'est fait à Sevran dans le quartier Rougemont. Alain Amédro signale enfin que désormais une information plus visible est disponible en Mairie auprès des Aulnaysiens qui souhaitent bénéficier des mécanismes qui encouragent à équiper son logement en source d'énergie soucieuse de l'environnement. Du reste, des aulnaysiens présents dans la salle sont déjà équipés en panneaux solaires... Tout n'est peut-être pas perdu.
Merci en tout cas aux élus Verts d'avoir tenté d'ouvrir le débat. Peut-être serait-il judicieux à terme de renouveler ce genre de confrontation avec la population (nous étions une petite soixantaine) , pas seulement en période électorale, en ciblant peut-être plus précisément une thématique, histoire de la présenter en détail et d'aller vraiment au fond des choses. Ce travail de fourmi finira peut-être par mobiliser les citoyens qui de fait pèseront davantage sur les choix en matière de politique environnementale. Faisons un rêve...
Rédigé par Stéphane Fleury le Jeudi 14 Mai 2009 à 1Heure09.