Le déconfinement vécu par un habitant du quartier des Etangs à Aulnay-sous-Bois
Publié le 13 Mai 2020
Après 56 jours de confinement au cinquième étage de mon bâtiment, cité des Étangs à Aulnay-sous-Bois, le lundi 11 mai arriva. Et mon père, octogénaire atteint de la maladie d'Alzheimer, se déconfina.
Sous le regard d'une caméra, celle de l'émission Quotidien — venue s'intéresser à nous après avoir lu mon journal de confinement dans Le Parisien — et l'oreille des micros perchés.
Sans un mot, il se dirigea, la tête levée et les mains sur le déambulateur, vers la boucherie, dont, en bon Petit Poucet, il a retrouvé le chemin en avançant. Il n'exprima aucune émotion, comme si le confinement n'avait jamais existé… Il a patienté deux mois durant, pour ressortir comme si de rien n'était. On essaya de lui tirer les vers du nez, le journaliste et moi, mais son masque tint bon. Comme s'il nous disait, circulez, il n'y a rien à voir. Il finit par se plaindre de douleurs aux jambes. On fit des pauses. La caméra impressionna surtout les passants et le boucher…
Déjouant tous les pronostics, ma mère, qui ne sort jamais, s'était déconfinée une semaine avant le papa. C'est un rendez-vous médical qui l'a obligée à sortir. Elle qui compte ses sorties annuelles sur les dix doigts de ses mains, elle peut en rabattre un.
L'appréhension de la sortie
Déconfiner le papa n'est pas une mince affaire. J'ai longtemps eu l'obsession du FFP2, un Saint-Graal à obtenir avant le déconfinement afin de me protéger et ne pas exposer mes parents avec mes sorties. Car j'ai moi-même une certaine appréhension quand je sors. Je me dis que le virus doit tourner dans les magasins et partout où les gens se rassemblent. Les gens sans masques alimentent mes craintes, surtout quand ils parlent fort, au téléphone ou à un interlocuteur qui se trouve pourtant à moins d'un mètre. Je me retiens à chaque fois de dire : « Ne t'inquiète pas l'ami, tes postillons vont bien assez loin sans avoir à les y forcer ! »
Même si je n'ai pas encore repris ma vie d'avant, j'ai du mal à dire au revoir au confinement. Ce week-end, j'ai réalisé un grand ménage, comme si la fin du confinement annonçait l'arrivée du printemps, ce temps de l'espoir.
Une autre attache psychologique liée au confinement m'interpelle. Je me suis rendu compte du côté spartiate de ma condition de vie. L'enfermement et les Autres y ont contribué. Ces Autres, inconnus, ont de belles baraques que l'on devine quand ils interviennent sur les différents plateaux télé. Les Autres ont vu la Seine-Saint-Denis être pointée du doigt. Nos conditions de vie, à Nous, ces pointés du doigt, sont nos sous-vêtements, ces choses habituellement invisibles au regard des autres à tel point que l'on en arrive à oublier qu'on les porte.
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Source article et photo : journal Le Parisien