Les assistantes sociales à Aulnay-sous-Bois n’assurent plus que le service minimum
Publié le 6 Septembre 2015
D’un seul coup, elle fond en larmes, les doigts crispés sur sa liasse de documents. « Je m’excuse, mais c’est tellement dur… » C’est une mère de famille à bout qui redescend l’escalier du service d’action sociale, à Aulnay-sous-Bois. Elle est venue demander de l’aide. « GDF n’arrête pas d’appeler, de me harceler, parce qu’on doit de l’argent, raconte-t-elle.
Avant, j’avais une assistante sociale adorable. Elle téléphonait, elle faisait les démarches, et ça s’arrangeait. » Elle déplie un formulaire cartonné : « Mais maintenant, on me donne un dossier à remplir toute seule. » Quatre pages, dont un tableau à compléter en donnant le détail de ses dépenses et ressources mensuelles, ainsi que les crédits contractés. Il faut aussi rédiger un argumentaire justifiant la demande d’aide financière. « Moi, encore, ça va, je sais lire et écrire, souffle la femme. Mais les autres ? »
Les autres, ce sont environ 2 600 ménages ou personnes isolées domiciliés à Aulnay, et qui bénéficiaient jusqu’à cet été d’un accompagnement social. En d’autres termes, ils étaient suivis par l’une des 19 assistantes sociales de la ville. Celles-ci les recevaient en rendez-vous individuel, engageaient avec eux des actions pour réduire leurs dettes, bénéficier d’une aide alimentaire, les soutenir dans l’éducation des enfants…
Mais depuis trois mois environ, les assistantes sociales sont invitées à lever le pied. Conséquence d’un bras de fer financier engagé par le maire (Les Républicains) avec le conseil départemental dirigé par le PS (lire ci-dessous). On leur demande, souffle l’une d’elles, d’assurer « un service minimum ». Leur employeur, la municipalité, a donné la consigne de « conclure les actions engagées », de « terminer l’accompagnement » des familles, à l’exception des cas les plus « critiques » (enfants en danger, femme victime de violences).
Autrefois réparties dans sept antennes de quartier, les assistantes sociales et les assistants d’accueil (qui les épaulent, notamment pour les tâches administratives) sont désormais regroupés dans les locaux de l’action sociale, dans le quartier du Vieux-Pays. On y reçoit le public, mais uniquement pour « évaluer » les situations et remettre des documents. « Les collègues ont le moral complètement à plat », glisse un syndicaliste FO. D’autant qu’elles font face à une détresse profonde. Ce matin-là, à la porte d’une salle d’attente bien pleine, on croisait ainsi une jeune femme aux yeux apeurés, qui voulait voir « son » assistante sociale. « On m’a dit de revenir demain, mais je ne sais pas si je la verrai. » Elle s’éloigne, sans savoir où elle dormira ce soir. Voilà un an que son mari, qui l’avait fait venir en France, l’a abandonnée, sans ressources.
Quand ce curieux « service minimum » prendra-t-il fin ? Nul le semble le savoir. En attendant, les habitants sont invités par la ville à se rendre dans les circonscriptions départementales d’action sociale des communes voisines : Drancy, Pavillons-sous-Bois, Livry-Gargan ou Sevran.
La ville et le département vont-ils enfin négocier ?
« La ville ne lâche pas ses habitants. On ne peut plus les accompagner jusqu’au bout. Mais on va bien ficeler les dossiers pour les renvoyer vers les circonscriptions départementales d’action sociale », indique Séverine Maroun, première adjointe (Les Républicains) d’Aulnay. Mais à long terme, que vont devenir les assistantes sociales d’Aulnay, et quel accompagnement pour les familles de la ville ?
Jusqu’au 27 juillet dernier, il existait une convention, datant de 1996, confiant à la ville ces missions. Le département finançait 80 % des salaires, le reste des dépenses étant pris en charge par la commune. En décembre 2014, le conseil municipal d’Aulnay a décidé de dénoncer cet accord, estimant ne plus pouvoir payer sa part. La municipalité comptait alors sur le transfert d’une partie de ses assistantes sociales au département : « En application du contrat passé entre la ville et le département, à compter du 27 juillet, le conseil départemental devra ouvrir une nouvelle circonscription de service social pour les Aulnaysiens », assurait ainsi un courrier aux habitants. Cela n’a pas été le cas.
La mairie a perdu son référé contre le conseil départemental
« On avait six mois pour négocier, mais Stéphane Troussel nous a opposé une fin de non-recevoir », assure Séverine Maroun. « Ce sont eux qui ont remis en cause ce partenariat, et décidé de se passer de la subvention », rétorque Stéphane Troussel, président PS du conseil départemental, qui « propose toujours à la mairie d’Aulnay de revenir à la table des négociationspour définir une nouvelle convention ». En août, le tribunal administratif a rejeté le recours en référé de la ville, qui dénonçait la « défaillance sociale » du département.
G.B.