Le B.A.BA de l’évasion fiscale…
Publié le 20 Avril 2013
Oyez braves gens ! Vous imaginez, peut-être, que l’évasion fiscale est une affaire de malfrats qui passent de l’argent en contrebande dans des valises pleines de billets…Cela existe, probablement encore, mais ce n’est que la portion congrue d’un phénomène beaucoup plus vaste où règnent de simples clics de souris et des transferts électroniques de toutes sortes, réalisés dans des conditions juridiques et fiscales particulièrement bienveillantes.
Car l’évasion recouvre deux réalités distinctes : la fraude d’un côté et l’optimisation de l’autre. L’une est condamnable et condamnée. Alors que l’autre est parfois encouragée (on parlera alors d’une politique fiscale attractive ou accommodante). Tolérée (on parlera alors de montages, qui, bien que légaux, sont incroyablement sophistiqués). Mais aussi, pourchassée tant il est vrai que les frontières entre fraude et optimisation ne sont pas toujours bien claires et solidement établies (on parlera alors d’abus de droit).
Dans ce billet, nous laisserons la fraude de côté pour nous intéresser surtout à l’optimisation. Et nous ne parlerons pas des particuliers plus ou moins fortunés qui y recourent, mais des grandes sociétés qui ont pignon sur rue et se frayent à travers le maquis des règlementations d’un côté et des facilités de l’autre, pour « optimiser », comme on le dit, leurs revenus. Toujours avec l’aide de ce que l’on nomme les « paradis fiscaux ».
Ambigus, s’il en est, puisque chaque zone géographique a à sa disposition ses propres paradis fiscaux qui sont autant d ’ « instruments » ou de « véhicules » au service des grandes entreprises bien qu’elles obéissent à leur propre logique et non à celle des Etats. Avec une certaine hypocrisie aussi, car il n’est pas de grands contrats d’armement ou de gigantesques commandes civiles qui ne transitent, du moins en partie, par ces paradis fiscaux. Car il n’est pas de banque, digne de ce nom, qui n’y possède une filiale pour favoriser et réaliser ce genre d’opérations tant il est vrai que la finance et le commerce international sont de remarquables utilisateurs de tels mécanismes.
Mais que sont-ils, au juste ? Deux mécanismes essentiels sont utilisés. D’un côté, ce que les anglo-saxons appellent les fees,c’est à dire les redevances ou commissions. De l’autre ce que l’on appelle les prix de transfert. Tout cela, inconnu du plus grand nombre, est pourtant d’une simplicité biblique !
. Les redevances et commissions
Vous avez tous entendu parler des droits de marque, des brevets, des procédés et de leurs conditions d’utilisation. Il suffit alors de les loger dans un paradis fiscal et de les facturer aux sociétés utilisatrices, pour qu’ils échappent à l’impôt. C’est ainsi que des sociétés internationales comme Google, Facebook et bien d’autres encore, payent, en définitive, assez peu d’impôts.
Vous connaissez tous la notion de fonds de commerce, ou le mécanisme de la franchise qui permet de facturer des redevances liées à l’exploitation de tel ou tel commerce. Là aussi, il suffit que les sociétés mères domicilient ces actifs dits incorporels dans des paradis fiscaux pour qu’elles recueillent en franchise d’impôt des sommes gigantesques.
Les grands contrats internationaux n’échappent pas, en général, au mécanisme des commissions qui servent à rémunérer des intermédiaires de toutes sortes, des prestations plus ou moins réelles, tarifées souvent de façon discrétionnaire. Plus ou moins fondées et justifiées, elles représentent, souvent, des sommes colossales versées en toute opacité ou confidentialité dans ces mêmes paradis fiscaux et qui, donc, échappent à l’impôt.
Mais, il n’y a pas que ces mécanismes, il existe, aussi, ce que l’on appelle les prix de transfert.
. Les prix de transfert
Imaginons que je fasse fabriquer un produit X dans un pays émergent au prix de 1 € et que je désire l’importer en France pour le revendre au prix de 10 €. Si la transaction est réalisée directement, je vais réaliser un profit de 9 € moins les frais de commercialisation (2 € par ex.), soit 7 € imposable en France.
Supposons maintenant que je crée une structure dans un paradis fiscal qui importera cette marchandise (sans en voir la couleur) pour la réexporter en France. Supposons encore que lors de sa réexportation, je la facture en France, non pas au prix de 1 €, mais au prix, par exemple, de 7 €. Dans ce cas le profit ne sera plus que de 3 € moins les frais de commercialisation, soit 1 € imposable en France.
Manque à gagner pour l’Etat français : 6 € multiplié par le taux d’imposition (33 1/3 %) soit 2 €.
Imaginez tout cela, multiplié par des millions voire des milliards de produits et vous avez une idée à peu près exacte de ce que peut représenter l’évasion fiscale !...
Je sais bien que les limiers de Bercy essayent de traquer au mieux ces phénomènes. Mais n’est-ce pas le pot de terre contre le pot de fer ?
Voilà, vous en savez donc, peut-être, un peu plus maintenant sur cette fameuse évasion fiscale… Et, vous savez, aussi, que les temps sont durs, que les états sont en déficit et criblés de dettes. On vous parle alors de rigueur ou de gestion sérieuse des Finances publiques. Vous comprenez bien tout cela et vous êtes, même, prêt à payer votre écot. Et puis vous réfléchissez un peu et vous vous dîtes : oui, mais à condition que tous ceux qui échappent encore aux mailles du filet, contribuent eux aussi !
N’allez pas chercher plus loin le sens de cette défiance qui s’installe entre les « puissants » et leurs alliés et les honnêtes citoyens. N’allez pas chercher plus loin pour comprendre le caractère dévastateur de cette fameuse affaire Cahuzac qui éclabousse le gouvernement ! N’allez pas chercher plus loin pour comprendre que tout cela, et bien d’autres choses encore, ne sont plus possibles !
Veritis